Le peintre à la craie

Il dessine à la craie sur des tableaux mais il n’est pas professeur. Il installe des pupitres à musique mais il n’est pas chef d’orchestre. Et, bien qu’il soit entouré d’une multitude de chiens en céramique, il n’est pas propriétaire de chien : il s’agit de Kemang Wa Lehulere, l’un des principaux représentants du jeune art sud-africain. Cet homme du Cap, âgé de 33 ans, est actuellement l’« artiste de l’année » de la Deutsche Bank et présente au printemps 2017 sa première exposition personnelle en Allemagne à la Deutsche Bank Kunsthalle à Berlin.

Wa Lehulere, qui aime se faire photographier coiffé d’un chapeau trilby, est né dans une famille très créative : sa mère est chanteuse, ses cousins sont scénaristes, metteurs en scène et acteurs. Wa Lehulere vit au Cap et à Johannesburg et, avec ses performances basées sur des recherches approfondies, ses vidéos, ses installations et ses dessins à la craie, il met en scène l’histoire de l’Afrique noire en Afrique du Sud. Les artistes, musiciens et auteurs noirs sont au cœur de son œuvre : comment leur histoire sera-t-elle racontée et archivée ? Et quelles nouvelles formes de mémorisation peut-on imaginer ?

Ernest Mancoba, qui est considéré comme le premier artiste moderne noir d’Afrique du Sud, est l’un des artistes auxquels Wa Lehulere se consacre. Dans l’exposition « History Will Break Your Heart » qui fait actuellement le tour de l’Afrique du Sud, Wa Lehulere montre comment les traces du racisme et de l’inégalité sont effacées et ignorées jusqu’à ce jour et présente l’abîme séparant la biographie individuelle et l’historiographie officielle.  

La craie comme symbole de l’éphémère

Ce n’est pas sans raison que Wa Lehulere utilise la craie. Outre le symbolique pédagogique, il s’intéresse à son caractère éphémère : des processus de surcharges et de nouvelle interprétation se retrouvent dans l’ensemble de l’œuvre de Wa Lehulere. De cette manière, il veut exprimer que « nous sommes tous liés les uns aux autres. Mon histoire est ton histoire ». Il se préoccupe de la responsabilité d’être conscient de ce lien et de renouveler sans cesse les souvenirs. C’est aussi ce que racontent les chiens de berger en porcelaine que Wa Lehulere utilise souvent dans ses installations. Dans leur position inerte, ils rappellent les chiens de l’Egypte antique conduisant les âmes au royaume des morts  

Kemang Wa Lehulere est, après Wangechi Mutu, Yto Barrada, Roman Ondák, Imran Qureshi, Victor Man, Koki Tanaka et Basim Magdy, le huitième artiste international à être élu « artiste de l’année » par la Deutsche Bank. Cette récompense est attribuée à des artistes ayant déjà accompli une œuvre aussi bien artistique que sociale, comprenant des travaux sur papier ou des photographies qui sont les deux points forts de la collection de la Deutsche Bank.

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