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Un air de sécurité

L’organisation terroriste Boko Haram a détruit de nombreuses communautés villageoises au Nigeria. La musique, le théâtre et le cinéma au cœur d’un projet soutenu par l’Allemagne doivent contribuer à réunir les gens à nouveau.

19.04.2017
© dpa - Music

Le nord-est du Nigeria est marqué par la terreur. Pendant des années, les combattants de la milice terroriste Boko Haram ont attaqué des communautés villageoises et pillé des maisons. De nombreuses personnes ont dû fuir. Actuellement, on compte deux millions de personnes déplacées dans la région ; nombre d’entre elles vivent dans des camps.

Maintenant, la normalité refait surface très lentement. Selon Christopher Mtaku, scientifique à l’université nigériane de Maiduguri, actuellement universitaire au Center for World Music de l’université d’Hildesheim, « l’atmosphère est généralement calme. L’économie a repris et des régions, dangereuses jusqu’à maintenant, sont redevenues accessibles ». Les gens reviennent peu à peu dans leur village et les reconstruisent. Les arts, comme la musique et le cinéma, doivent également jouer un rôle. « Une tâche d’avenir sera de reconstituer des communautés » déclare Raimund Vogels, professeur de musique, qui travaille depuis les années 1980 avec des chercheurs nigérians et qui dirige aujourd’hui le Center for World Music. « La musique peut être l’une des voies d’identification. »

Des impulsions dues à l’art

La nouvelle école d’études supérieures « Performing Sustainability. Cultures and Development in West-Africa » doit contribuer à la reconstruction. Grâce à cette école, de jeunes scientifiques du Nigeria, du Ghana, du Cameroun, du Zimbabwe, du Niger et d’Afrique du Sud recevront un soutien. Au cours des prochaines années, ils étudieront quelle peut être la participation des arts pour atteindre les  objectifs de développement durable des Nations Unies en Afrique de l’Ouest. L’accent est mis sur le développement durable et sur les thèmes de la paix et de la résolution des conflits. Le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ) soutient l’école jusqu’en 2020, par le biais de l’Office allemand d’échanges universitaires (DAAD).    

Le Center for World Music de l’université d’Hildesheim collabore avec l’université de Maiduguri au Nigeria et l’université de Cape Coast au Ghana pour l’école d’études supérieures. Récemment, ils ont sélectionné 15 boursiers pour participer au programme.

De nouvelles identités culturelles

Dans le cadre de leur projets de recherche, les boursiers étudient entre autres comment le théâtre dans des camps de réfugiés pourrait contribuer au travail de mémoire. D’autres boursiers analysent dans quelle mesure recourir au cinéma et à la musique pourrait créer de nouvelles identités culturelles. Des musiciens se produisent par exemple au Nigeria lors de fêtes de villages et de mariages. « Il ne s’agit pas seulement de divertissement » explique Raimund Vogels. « Les musiciens abordent aussi les thèmes d’inégalités sociales. C’est pourquoi ils sont bien souvent rejetés par une partie de la société ». La musique ne joue donc aucun rôle à l’école. Dans le cadre de l’un des projets, un jeune chercheur étudie maintenant dans quelle mesure la musique peut changer l’image de la société – et peut enfin être à nouveau utilisée à l’école pour renforcer le sentiment d’appartenir à une communauté.

Lors de la reconstruction, les archives musicales constituées au Center for World Music doivent aussi servir à la musique nigériane. L’équipe germano-nigériane de chercheurs a, entre autres, recueilli 1 000 heures d’enregistrement audio et vidéo ainsi que 500 documents photographiques. Ils font état de la diversité de la culture musicale des groupes ethniques nigérians.   

Les archives musicales comme aide-mémoire

Les archives musicales revêtent une grande importance pour la mémoire culturelle au Nigeria, explique Christopher Mtaku. « Dans une grande partie du Nigeria, beaucoup de choses ne sont pas transcrites » dit-il. Au lieu de cela, les musiciens transmettent par exemple le patrimoine historique. Toutefois, Boko Haram a tué de nombreux musiciens. « Les archives musicales pourraient donc être la seule source permettant aux générations futures du nord-est d’écouter la musique des générations précédentes » déclare Mtaku.

Actuellement, les chercheurs procèdent à la numérisation de la musique et à la transcription de textes. Ils veulent les rendre prochainement accessibles à tout le monde. Il sera alors possible d’avoir accès à l’héritage musical en utilisant un ordinateur ou un smartphone. « C’est un excellent moyen pour rendre aux gens la musique de leur région » dit Mtaku. Et peut-être aussi, ainsi, de faire un peu avancer la paix.

© www.deutschland.de