Aller au contenu principal

Comprendre les raisons de la fuite

Un cursus Master coordonné par l’université d’Oldenburg étudie avec des partenaires européens et africains les mouvements migratoires dans le monde entier.

03.01.2017
© dpa/Brendan Bannon/Iom/Unhcr - Refugees

Rueben Okine est encore souvent assis dans la bibliothèque de l’université (Oldenburger Universität). Oldenburg, dans le nord de l’Allemagne, est la première ville allemande qu’il a découverte. « Le temps pourrait être meilleur mais en Allemagne la nourriture est bonne et on peut facilement cuisiner, de plus j’ai fait la connaissance de beaucoup de gens passionnants » explique l’expert en migration et cuisinier amateur.

Okine a récemment achevé ses études à Oldenburg par un Master qui l’a fait aller au-delà des frontières de l’Allemagne. Après ses études de psychologie, ce Ghanéen de 34 ans, originaire de la capitale Accra, avait tout d’abord travaillé pour le gouvernement du Ghana. Il se voyait sans cesse confronté aux raisons complexes de la migration et de la diaspora. Il s’interrogeait sur les conséquences qu’avait par exemple sur la société et la politique le fait que les Ghanéens exilés ne participent pas aux élections dans leur patrie. « J’ai rapidement constaté que je voulais en savoir davantage sur les effets politiques de la fuite, sur l’égalité des chances et sur la construction de la paix » déclare-t-il.

Peu de formation et guère de perspectives

La migration est un thème important dans le pays d’origine d’Okine. Il y a beaucoup de chômage et de pauvreté. Selon les chiffres de l’Office fédéral des migrations et des réfugiés (Bundesamt für Migration und Flüchtlinge), environ un quart de la population vivait en 2014 au-dessous de seuil de pauvreté. « Beaucoup de personnes, et surtout des jeunes, quittent le Ghana. Il n’y voient aucune chance car l’école et l’éducation ne sont pas une évidence » précise Okine. La conséquence est que, selon les estimations de l’Organisation internationale pour les migrations, de six à onze pour cent des Ghanéens ne vivent pas dans leur pays d’origine.    

L’absence de perspectives, la misère et l’oppression poussent de nombreux Africains vers l’Europe et l’Allemagne. Toutefois, dans le monde entier, la plupart des réfugiés vivent en Afrique. Le Nigeria à lui seul compte plus de 2,5 millions de réfugiés et ils sont 1,5 million en République démocratique du Congo.

Afin de mieux comprendre les motifs à tout cela, Okine a posé sa candidature à l’université d’Oldenburg, où il a commencé en 2014 des études pour un Master européen en migrations et relations interculturelles (European Master in Migration and Intercultural Relations (EMMIR), avec 25 camarades d’études du monde entier, en partie soutenus par des bourses de l’Union européenne.

Davantage de mobilité pour plus de compréhension

EMMIR, le premier cursus de Master afro-européen créé en 2011 et coordonné par l’université d’Oldenburg étudie les mouvements migratoires dans le monde entier et réunit pour cela des universités et grandes écoles du Soudan, d’Uganda, d’Afrique du Sud, de Slovénie, de République tchèque, de Norvège et d’Allemagne. Jan Kühnemund, maître de conférence et collaborateur scientifique, explique que, à la fin des quatre semestres d’études, elles établissent un certificat commun. Il se réjouit que le Master soit soutenu cinq années supplémentaires, pour un montant pouvant aller jusqu’à 2,9 millions d’euros, par le programme d’excellence Erasmus Mundus de l’Union européenne. « Car, ici, on s’exerce à une véritable internationalisation des études. » déclare Kühnemund. 

Les objectifs ambitieux d’EMMIR sont les suivants : une grande mobilité des étudiants grâce à des coopérations internationales d’universités et grandes écoles avec des ONGs et une approche transdisciplinaire pour davantage de compréhension réciproque. En outre, les étudiants doivent réaliser rapidement des tâches concrètes. Okine a visité un centre d’accueil pour réfugiés en Norvège, a fait un stage à l’African Diaspora Policy Center – une ONG aux Pays-Bas – et, en tant que personnel humanitaire, a apporté une aide pendant deux mois à des réfugiés en Slovénie qui essayaient de se rendre en Autriche. « Parfois, j’y ai travaillé des nuits entières » se souvient-il. « Mais lorsque quelqu’un dans un bureau prend une décision qui concerne l’avenir de réfugiés, le travail en amont est très important pour mieux comprendre les raisons et la motivation. »      

Une grande expérience pratique

Jan Kühnemund confirme cela. « Nous essayons de percer rapidement le cocon universitaire et de mettre les étudiants face à la vraie vie ». C’est pourquoi les étudiants commencent à Oldenburg, vont ensuite pour deux semestres à l’université de Stavanger en Norvège et, selon leurs centres d’intérêt, poursuivent leurs études dans des universités partenaires en Slovénie, en République tchèque, en Norvège, en Allemagne, en Uganda, au Soudan et en Afrique du Sud et font ensuite un stage auprès d’ONGs et d’organisations associées.

EMMIR est entre-temps en contact avec quelque 50 organisations, indique Kühnemund. Environ la moitié d’entre elles sont en Afrique. Selon Kühnemund « beaucoup d’ONGs sont impressionnées par les stagiaires que nous envoyons – également aussi parce les jeunes gens ouvrent de nouvelles pistes de réflexion ». Okine envisage de travailler pour l’un des projets qu’il a découverts. De toute façon, selon lui, où qu’il aille, son expérience est précieuse – aussi bien dans un contexte pratico-politique et académique qu’avec des camarades d’études. « Se réunir le week-end, regarder un match de foot, parler de tout et de rien, du monde, de la politique et de son pays – cela permet d’acquérir des connaissances que l’on ne peut pas apprendre dans des livres. »