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Concepts innovants contre la radicalisation

En matière de prévention contre le terrorisme, l’Allemagne mise sur la société civile et la coopération.

25.03.2015

Que faire quand son propre fils, une élève ou un élève d’une école coranique menace de glisser dans l’islamisme extrémiste ? Bien souvent, les gens qui observent dans leur environnement proche, en Allemagne, une orientation vers le salafisme déterminé à user de violence, ne savent pas trop à qui confier leurs inquiétudes. La honte, l’insécurité ou la crainte de criminaliser trop vite la personne concernée, toutes ces considérations peuvent constituer un obstacle. Dans de telles situations, on peut s’adresser au centre d’accueil « Wegweiser ». « Viennent nous trouver des parents inquiets, mais aussi des militants de la scène salafiste en quête d’issue », dit l’islamologue Michael Kiefer, du directoire de « Wegweiser », à Düsseldorf. Ses collaborateurs analysent la situation des personnes concernées, leur offrent une assistance morale et organisent des mesures d’aide concrète en les dirigeant vers des pédagogues, des islamologues et des experts en extrémisme auprès d’administrations, d’associations cultuelles islamiques ou d’autres initiatives, « sous couvert de confidentialité et d’anonymat », souligne Kiefer.

Le Programme de prévention et contre la marginalisation bénéficie du soutien du ministère de l’Intérieur du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Ce projet est en place depuis mars 2014 à Düsseldorf, Bochum et Bonn. Pour 2015, d’autres centres d’accueil sont prévus à Wuppertal, Cologne, Duisburg et ailleurs car le concept de « Wegweiser », jusqu’ici unique en Allemagne, a beaucoup de succès. La ligne d’urgence sonne plusieurs fois par jour, dit Kiefer. Les attentats contre le magazine satirique français «  Charlie Hebdo  » et contre une synagogue à Copenhague, début 2015, ont clairement montré l’importance de bonnes idées comme celle-ci pour prévenir la radicalisation. L’islamisme radical ne s’arrête pas aux portes de l’Europe et recourt à toutes les possibilités du monde interconnecté pour recruter de nouveaux adhérents.

Selon le service de protection de la constitution, on dénombre dans la seule Allemagne environ 6300 personnes adhérant à la mouvance salafiste radicale ; ils sont notamment attirés par la propagande Internet des Islamistes qui, axée sur les jeunes, esthétise la violence, promet la solidarité sociale et érige les combattants en héros. Sur les quelque 600 personnes qui, jusqu’ici, se sont rendues d’Allemagne en Syrie et en Irak pour soutenir l’organisation terroriste qu’est «  l’État islamique  », environ 200 sont rentrées. Les autorités présument, en outre, que beaucoup sont partis sans avoir été repérés.

Au niveau juridique, le gouvernement fédéral a réagi début février 2015 en adoptant une nouvelle loi censée empêcher les attentats des Islamistes radicaux. Dorénavant, celui qui quitte l’Allemagne à destination d’un camp de formation terroriste est punissable. En outre, des mesures de politique sociétale devraient s’avérer efficaces là ou le radicalisme trouve un terrain favorable. Dès les années 2010 à 2013, l’Allemagne a soutenu 40 projets modèles de prévention de la radicalisation dont 22 contre l’extrémisme islamiste. Ils proposaient à la fois des activités et des ateliers pour jeunes dans le but d’en faire des 
« ambassadeurs de la démocratisation et de la démystification », et des stages organisés dans des écoles.

Afin de développer et compléter ce type de concept qui a fait ses preuves, le gouvernement fédéral a réitéré sa promesse de soutenir la prévention de la radicalisation. « Nous avons besoin de personnes qui s’engagent pour la démocratie et la diversité, et ce partout en Allemagne », a dit en janvier la ministre fédérale de la Famille, Manuela Schwesig. Pour épauler ces personnes, il faut de solides structures. C’est dans ce sens qu’a été lancé le programme fédéral « Vivre la démocratie ! ». En 2015, le ministère fédéral de la Famille investit 40,5 millions d’euros – la plus grosse enveloppe jamais affectée – dans des réseaux régionaux, des centres d’accueil, des projets modèles et des conférences. Il s’agit notamment d’offres de travail avec les parents de jeunes concernés et de stages avec de jeunes criminels ayant agi pour des motifs politiques ou religieux.

La nécessité d’entrer en contact et de collaborer directement avec les personnes concernées et leur milieu social est évidente. Car des études menées par le service de protection de la constitution ont montré qu’un grand nombre des criminels radicalisés, souvent jeunes, sont issus de milieux sociaux défavorisés. Beaucoup d’entre eux ne se sentent pas acceptés, n’ont guère connu de succès et n’ont ni été soutenus ni conseillés dans les situations difficiles auxquelles ils ont dû faire face.

La ville de Düsseldorf pourrait fournir des modèles pour de futures initiatives. Car, outre l’initiative « Wegweiser », d’autres concepts innovants ont porté leurs fruits, comme le stage de formation continue 
« Imame zu Demokratiebotschaftern » (Des imams ambassadeurs de la démocratie). Ce projet a été lancé par le Centre de Land pour la formation politique, la préfecture de police de Düsseldorf et la fondation Deutsch-Islamische-Moschee-Stiftung. Cette collaboration a été proposée à la police de Düsseldorf par des imams. Désormais, il appartient à des fonctionnaires de les former pour en faire des interlocuteurs à même de transmettre avec objectivité le bien-fondé des valeurs démocratiques. 
« Contrairement à la police et à bien d’autres institutions, des imams intéressés et engagés se trouvent là où ce travail de prévention est possible », dit Carmen Teixeira, du Centre pour la formation politique du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Le travail, ajoute-t-elle, a d’ores et déjà valu la peine. Mais les imams ont encore besoin du soutien, pas seulement de leur propre communauté, mais de la société allemande dans laquelle ils vivent. ▪