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Des matières premières issues de l’Europe pour l’Europe

L’Union européenne finance des projets ciblés qui rendent le continent indépendant des matières premières importantes venues de pays tiers.

Ralf Isermann Ralf Isermann, 28.05.2025
La région idyllique d’Ortenau dispose de gisements de lithium.
La région idyllique d’Ortenau dispose de gisements de lithium. © picture alliance / imageBROKER | Arnulf Hettrich

Si vous connaissez l’Ortenau, au sud-ouest de l’Allemagne, vous pensez à la Forêt Noire, à la viticulture et à un magnifique paysage juste à la frontière de la France. Dans un avenir proche, la région pourrait se voir attribuer une autre signification : elle dispose d’un gisement significatif de l’élément lithium qui est important pour la fabrication de batteries.

L’entreprise allemande Vulcan Energy travaille sur l’extraction de cette matière premières – dans le cadre de toute une série de projets que l’Union européenne a identifié comme étant d’importance stratégique. Les 47 projets devraient aider à sécuriser l’approvisionnement en matières premières natives de l’UE, a déclaré le commissaire à l’Industrie de l’UE, Stéphane Séjourné, qui qualifie le tout de « jalon pour la souveraineté de l’Europe en tant que site industriel ».

Pour la transition énergétique visée, l’électromobilité joue un rôle important. C’est pourquoi la liste contient surtout des projets censés sécuriser des matières premières pour les batteries : 22 projets ont un rapport avec le lithium, douze avec le nickel, et viennent s’ajouter à cela le graphite, le cobalt et le manganèse. Il est question de l’extraction, de recyclage et de la transformation de ces matières premières – et de normes environnementales élevées.

De l’« or blanc » venu d’Allemagne

Le lithium extrait par Vulcan Energy doit servir l’industrie européenne des voitures et des batteries. Au cours de la première phase du projet, « Lionheart », suffisamment de lithium doit être extrait pour 500 000 véhicules électriques, à partir de la deuxième phase du projet ce chiffre montera à un million de véhicules par an. Francis Wedin, le chef de l’entreprise, déclare : « Nous voulons être la première entreprise en Europe à fabriquer du lithium local et la première entreprise au monde à produire de l’hydroxyde de lithium monohydraté neutre pour le climat. » Pour ce faire, l’entreprise utilise les ressources du paysage du Rhin supérieur – elle fonctionne avec la géothermie naturelle pour produire de l’électricité.

Jusqu’à présent, le lithium, appelé aussi « or blanc », et d’autres matières premières importantes pour la transition de la mobilité viennent principalement de Chine, d’Australie et d’Amérique du Sud. Mais l’Europe ne peut plus acheter des matières premières uniquement en dehors de ses frontières, affirme le commissaire à l’Industrie, S. Séjourné. Une opinion que beaucoup semblent partager. En effet, 170 partenaires de projet souhaitent participer, l’UE a choisi parmi eux les 47 projets considérés comme stratégiques. Outre l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, l’Espagne, l’Estonie, la Tchéquie, la Grèce, la Suède, la Finlande, le Portugal et la Roumanie participent.

Un accès plus simple aux investissements

Pour les projets réussis, l’attribution de Bruxelles signifie un accès plus simple aux investissements. Afin que toutes les idées deviennent réalité, selon les estimations de l’UE, 22,5 milliards d’euros sont nécessaires – à savoir presque 500 millions par projet. Comme ils ont obtenu l’attribution, les 47 projets pourront désormais accéder plus facilement aux subventions des organismes publics.

Parmi les entreprises sélectionnées figure la société internationale Northern Graphite, basée au Canada, qui souhaite commercialiser du graphite de qualité batterie. Des experts de l’entreprise travaillant à Francfort-sur-le-Main avaient proposé à l’UE d’utiliser du graphite provenant d’un projet de l’entreprise en Namibie. Celui-ci doit être transformé dans une usine en France. L’UE a accepté cette demande. Dès 2028, la France devrait être en mesure de produire 20 000 tonnes de matériaux pour batteries sur la base des livraisons de la Namibie. Ces grandes quantités sont nécessaires de toute urgence : dans les batteries, c'est ce matériau appelé anode de batterie qui a le plus de poids. Chaque voiture électrique en a besoin d’environ 40 à 80 kilos.

Le recyclage comme modèle d’avenir

Les partenaires peuvent mettre en œuvre leurs projets rapidement, car comme ils sont classés comme stratégiques ils profitent de procédures d’autorisation nettement plus rapides. Jusqu’à présent ces dernières peuvent durer entre cinq et dix ans dans l’UE. À l’avenir, cette durée devrait être de maximum 15 mois pour de nombreux projets, pour ceux visant l’obtention de matières premières – donc par exemple les mines – maximum 27 mois. Cela entraîne des efforts dans toute l’Europe pour l’obtention de matières premières, ce qu’il était difficile d’imaginer jusqu’à maintenant. Ainsi, le géant britannique des matières premières Anglo American souhaite produire de grandes quantités de cuivre en Finlande à partir de 2030. Et le groupe belge de matériaux Umicore a déposé avec succès deux projets visant à obtenir du germanium, un métal essentiel pour les puces informatiques, grâce à un recyclage innovant.

D'ici 2030, l’Europe devrait déjà produire dix pour cent des matières premières dont elle a besoin. D’ici là, 25 pour cent des matières premières recyclées devraient être réutilisées en Europe – pour les matières premières transformées, la proportion prévue est même de 40 pour cent. 

Une forte dépendance à la Chine

« Au tout début de nos chaînes d’approvisionnement les plus stratégiques, il y a les matières premières », a déclaré le commissaire européen Séjourné à propos de l’importance des projets. Elles sont indispensables pour se départir du charbon et du pétrole. Le Critical Raw Materials Act, que l’UE avait adopté en 2023 pour sa sécurité concernant les matières premières, en constitue la base.

Une étude publiée récemment par la Fédération de l’industrie allemande BDI montre que de telles réglementations sont urgentes. Selon ce rapport, l’Allemagne et l’Europe dépendent à plus de 90 pour cent de la Chine pour certaines matières premières. Des compétences importantes en matière de transformation des matières premières auraient également été perdues au profit d’autres pays. Les projets sélectionnés devraient désormais changer la donne.