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Un nouveau contrat social pour Euroland

Entre bilatéralisme et gestion de crise : quel sera l’avenir des relations franco-allemandes ?

14.03.2013
© picture-alliance/dpa

Je t’aime moi non plus », le célèbre duo de Serge Gainsbourg et Jane Birkin, a toujours été la devise ironique des relations franco-allemandes. Cinquante ans après la signature du Traité de l’Élysée, on ne peut pas dire que les relations franco-­allemandes soient brillantes, seulement parce que la grande fête politique à l’occasion des noces d’or à Berlin le 22 janvier a été réussie. Il y aurait beaucoup à dire au sujet de l’harmonie franco-allemande affichée à cette occasion. Car la liste est longue, des oublis, des difficultés et même des différences. Beaucoup de choses semblent être durablement incompatibles entre l’Allemagne et la France. Mais n’en a-t-il pas toujours été ainsi ?

Alfred Grosser, journaliste franco-allemand et témoin permanent, a récemment qualifié, à juste titre, les relations d’« énorme mythe ». Alors que, par exemple, 82 pour cent des Allemands estiment que la relation est d’égal à égal, seulement 53 pour cent des Français partagent cette opinion et 41 pour cent sont d’avis contraire. En ce qui concerne l’équilibre émotionnel, le changement dans la symétrie des relations que l’on constate depuis longtemps n’est pas sans problèmes.

Dans la « Déclaration de Berlin » à l’occasion du cinquantenaire du Traité de l‘Élysée, on lit que l’Allemagne et la France sont parvenues à une difficile coopération au quotidien et doivent trouver, à l’avenir, des solutions transnationales. Cela comprend l’établissement d’une compétitivité internationale, une viabilité mondiale, la modernisation de villes, des concepts énergétiques durables, des réformes du marché du travail, le soutien en matière de santé, des concepts d’éducation et une coopération frontalière.

Tout cela à première vue. En approfondissant, il semble y avoir une avancée en France et en Allemagne qui, 50 ans après 
le « oui » commun, laisse percer l’espoir d’une sorte de second printemps. L’engagement que, à la suite de l’exécutif, les parlements se rapprochent davantage est un signe dans ce sens. L’introduction du « Semestre européen pour la coordination 
des politiques économiques » – qui n’est d’ailleurs pas limité à l’Allemagne et à la France – requiert à l’avenir des accords plus importants en matière de politique 
sociale, budgétaire et fiscale et, de ce 
fait, un débat de société sur les priorités 
sociales et politico-économiques.

Selon la déclaration commune : « Nous intensifierons nos échanges avec les partenaires sociaux, afin de prendre des initiatives communes pour renforcer la compétitivité de nos économies tout en assurant un haut niveau de protection sociale ». Dans le cadre de la gestion franco-allemande et européenne de la crise de l’euro, il va falloir réfléchir aux questions suivantes : quels salaires est-on prêt à payer ? Quelles prestations sociales peut-on apporter ? Quelle compétitivité – et à quel prix ? Des deux côtés du Rhin, on a du moins compris que chaque décision nationale en matière de politique économique 
a automatiquement un effet dans le pays voisin, ne serait-ce que du fait que les économies des deux pays sont plus étroitement liées que n’importe quelles autres. L’avenir montrera si Paris et Berlin sont en mesure de concevoir un modèle économique et social commun pour l’Europe – en fait rien de moins qu’un nouveau contrat social pour Euroland. Cela est ardu car la France et l’Allemagne appartiennent pour ainsi dire à des planètes différentes. Les 
clichés sur les différences sont connus. D’un côté, on a une France au pouvoir dirigiste, présidentiel et exécutif, de l’autre une Allemagne libérale, parlementaire et fédérale. Toutefois, la marge pour les différences et de ce fait aussi pour l’ambiguïté diminuera de plus en plus. C’est là la qualité nouvelle, le véritable défi : du fait de 
la crise de l’euro, la zone de protection est réduite de facto car le marché intérieur 
requiert des règles claires, univoques et transnationales – également dans le domaine de la politique sociale et fiscale.

Actuellement, cela grippe entre la France et l’Allemagne sur des thèmes tels que l’union bancaire, le concept allemand d’un parlement pour la zone euro et l’élaboration de la « capacité fiscale » pour la zone euro. On ne peut apprécier ces positions différentes que si l’on a compris que le 
débat constructif est le véritable joyau 
des relations franco-allemandes, le véritable moteur pour les progrès au sein de l’intégration européenne. Dans ce sens, les relations franco-allemandes ont rarement été meilleures qu’aujourd’hui ! ▪

La politologue Ulrike Guérot est 
« Senior Policy Fellow » et représente l’Allemagne au bureau berlinois de 
l’European Council on Foreign 
Relations (ECFR).