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« Les populistes agissent à court terme »

Le conjoncturiste italien Simone Romano critique la réaction à la crise des partis classiques et met en garde contre ses conséquences pour l’UE.

26.10.2018
Le conjoncturiste italien Simone Romano
Le conjoncturiste italien Simone Romano © Istituto Affari Internazionali/Leonardo Puccini

Simone Romano est chercheur en politique internationale et en matière d’union monétaire à l’Istituto Affari internazionali (I.A.I.) à Rome. Dans notre interview, il met en garde contre le populisme et ses conséquences, tout en analysant le différend financier actuel entre l’UE et l’ltalie.

Monsieur Romano, vous critiquez la situation actuelle de l’UE. Pourquoi ?
Les gouvernements allemand et italien ainsi que ceux des autres grands États européens manquent de confiance mutuelle. Les objectifs communs à l’Europe font également défaut. Les États continuent sur leur lancée comme si de rien n’était. Mais cela ne mènera nulle part. Au lieu de cela, il faudrait, par exemple, que l’Allemagne et l’Italie surmontent leurs différends et apprennent à se comprendre.

Si l’Allemagne veut façonner l’UE, elle doit aussi en assumer la responsabilité.
Le conjoncturiste Simone Romano

Dans quel but ?
L’Italie devrait profiter de la conjoncture économique actuellement positive pour continuer à améliorer son économie. Des réformes structurelles sont également en suspens. Nous en avons de toute façon besoin, et pas seulement parce que l’Allemagne ou l’UE le disent. D’autre part, l’Allemagne doit finir par mieux comprendre son rôle en Europe :  l’UE a besoin de dirigeants pour poursuivre son développement. L’Allemagne est, bien entendu, candidate. Ce rôle est synonyme de travail d’équipe : aucun capitaine de football ne veut marquer des buts sans tenir compte de son équipe ni du score du match. Cela signifie que si l’Allemagne veut mettre en place les mécanismes de l’UE, elle doit aussi en assumer la responsabilité.

Quels changements le nouveau gouvernement italien a-t-il apportés ?
Le gouvernement italien actuel est le plus souvent décrit comme étant populiste : luttant dans l’intérêt du « vrai peuple », à l’encontre des intérêts des élites et de l’establishment. Ce qui lui a valu des votes, mais pose en même temps problème si le parti répond aux attentes de la population, peu importe qu’elles soient rationnelles ou à long terme.

L’UE vient de refuser le projet de budget italien à cause de l’augmentation considérable de sa dette publique. Le gouvernement italien voulait par là répondre aux desiderata des électeurs en matière de revenu citoyen et de retraite anticipée...
Les lois financières qui font actuellement l’objet de discussions sont un bon exemple : je ne préconise pas des mesures d’austérité, mais je reste prudent quant à la stimulation économique sur le court terme : bien que cela puisse être populaire, le prix à payer est très élevé. Un autre problème est l’on-dit sur lequel on table actuellement. En fin de compte, cela reviendra à dire : « Nous aimerions abaisser l’âge de la retraite et les impôts en Italie, mais l’Allemagne, la France, les eurocrates et l’establishment nous en empêchent. » C’est extrêmement simplifié et irresponsable.

Les partis classiques n’ont pas su être à l’écoute de la population.
Le conjoncturiste italien Simone Romano

D’où vient cette poussée des populistes ?
Les partis classiques de centre gauche et de centre droit n’ont pas réagi de manière appropriée à la dernière crise économique et n’ont pas su être à l’écoute au moins d’une partie des citoyens. Les nouveaux partis populistes fournissent des réponses à leurs questions et leur donnent l’impression d’être protégés, et ce à une époque marquée par l’incertitude. Le problème, c’est que leurs réponses sont souvent à court terme et partiellement inexactes.

Qu’est-ce qui doit changer dans l’UE ? 
Nous devons cesser de considérer l’Europe comme la somme de ses parties, dans laquelle les États membres ne poursuivent que leurs propres objectifs. Je citerai, à tire d’exemple, les négociations de plusieurs années sur l’enveloppe financière. Les États membres suivent tous une logique de « just return » : ils soupèsent ce qu’ils donnent à l’Europe et ce que l’Europe leur rend. Ce faisant, ils aspirent à un équilibre, sans tenir compte d’un bien prioritaire. C’est le meilleur moyen de détruire l’Union européenne, ce projet magnifique et qui fera date.

Autre exemple : suite aux deux crises de 2008 et 2011, l’UE a commencé à mettre en place des outils de prévention de crise. Mais, étant donné les différents intérêts nationaux en jeu, ces outils sont restés inachevés, tout comme l’union monétaire. Or, tous deux ne peuvent fonctionner qu’une fois achevés. Dès que la prochaine crise nous frappera et que des outils tels que l’union bancaire ne fonctionneront pas encore, nous aurons de sérieux problèmes.

Quel est, selon vous, le rôle des États-Unis dans ce contexte ?
Le rôle mondial des États-Unis a changé, également par rapport à l’Europe. Nous assistons à une guerre commerciale entre les deux plus grandes économies mondiales, soit entre la Chine et les Etats-Unis.  En outre, c’est la première fois depuis la Deuxième Guerre mondiale qu’un gouvernement américain agit pro domo. Vu l’insécurité actuelle du paysage politique, s’entraider et agir ensemble est le seul atout dont disposent les États européens minuscules par rapport à la Chine et à l’Inde. Cela nous permettra d’être des acteurs au lieu de simples spectateurs.

Interview : Sebastian Grundke

© www.deutschland.de

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