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Comment les entreprises allemandes font avancer l’électronique et l’électrotechnique – des puces électroniques à l’Internet des objets.

Notre monde moderne serait aujourd’hui impensable sans énergie électrique. Et cette énergie a beaucoup à voir avec l’ingénierie allemande : en 1867, Werner von Siemens présentait le « principe dynamo-électrique ». Ce principe permit de faire entrer de la lumière dans les maisons et de faire circuler, en 1879, le premier train électrique au monde. Puis suivirent les lignes à longue distance et les centrales électriques. Celles-ci alimentèrent en électricité d’abord de petites entreprises, puis des villes entières. En 1914, une machine électrique sur deux dans le monde provenait de deux entreprises allemandes : Siemens et AEG.
Un chiffre d’affaires de près de 240 milliards d’euros par an
Aujourd’hui encore, l’industrie électrotechnique et électronique est un pilier de l’économie allemande. Affichant un chiffre d’affaires de près de 240 milliards d’euros par an, elle contribue de manière décisive à la performance économique du pays. Plus de 14 000 entreprises occupent environ 900 000 personnes. Ainsi, ce secteur est le deuxième plus grand secteur industriel d’Allemagne en termes de nombre d’employés, après la construction mécanique. Sa force réside principalement dans la recherche et le développement : environ 100 000 personnes travaillent dans ce domaine et les investissements s’élèvent à plus de neuf milliards d’euros par an. L’esprit pionnier de la branche se reflète dans un nombre bien supérieur à celui des 13 000 demandes de brevets que l’Allemagne enregistre annuellement ; ces dernières font que cette branche est à l’origine d’une innovation sur trois dans l’ensemble de l’industrie manufacturière.
La colonne vertébrale du monde numérique
Le portefeuille de produits de l’industrie électrique est très diversifié ; il va des biens industriels, tels que les systèmes d’automatisation et la technique médicale aux biens de consommation, tels que les appareils ménagers. Les puces électroniques y jouent un rôle particulièrement important. Elles constituent la colonne vertébrale du monde numérique, car elles sont présentes presque partout : dans les smartphones, les ordinateurs, les véhicules et les réfrigérateurs. Et elles sont nécessaires aussi bien pour la transition énergétique que pour les voitures électriques ou l’intelligence artificielle.
« En principe, vous pouvez dévisser n’importe quel appareil et vous y trouverez un circuit imprimé. Sans ces composants, plus rien ne fonctionne », explique Andreas Urschitz, président de l’association professionnelle Electronic Components and Systems (ECS) de la confédération ZVEI et membre du directoire du groupe électronique allemand Infineon.

Une course de rattrapage pour les semi-conducteurs
Désormais, le cœur des puces est constitué d’interrupteurs de quelques nanomètres, sans élément mécanique, appelés « transistors ». Les semi-conducteurs, autrement dit les matériaux à partir desquels ces transistors sont fabriqués, occupent par conséquent une position clé. Alors qu’en l’an 2000, 21 pour cent des semi-conducteurs étaient encore fabriqués en Europe, ils ne représentent aujourd’hui plus que huit pour cent ; la part de marché allemande se situe à trois pour cent. La loi européenne sur les puces devrait permettre, grâce à d’importants investissements publics et privés, de faire passer la part de marché des puces européennes à 20 pour cent d’ici 2030. Les entreprises allemandes sont particulièrement fortes dans la production de puces dites « héritées », qui sont fabriquées à l’aide de processus de fabrication plus anciens, mais ayant fait leurs preuves. Celles-ci jouent un grand rôle dans les secteurs de l’automobile et de l’énergie ainsi que dans d’autres applications en électronique de puissance. Les entreprises allemandes sont également leaders dans la technologie des capteurs, dans le développement de microprocesseurs spécialisés ainsi que dans la photonique : cette dernière utilise la lumière pour saisir, traiter et transmettre des informations.
Bien que sa part dans la production effective des puces soit relativement faible, l’Allemagne fournit, avec le Japon, les États-Unis et les Pays-Bas, une grande partie de l’équipement nécessaire à leur fabrication. « Si l’on considère non seulement le commerce de puces prêtes à l’emploi, mais également l’équipement nécessaire à leur fabrication ainsi que les matières premières, l’Allemagne exporte davantage qu’elle n’importe. Les dépendances dans la production mondiale de semi-conducteurs ne sont donc pas unilatérales, mais à interaction réciproque », explique Lisandra Flach, directrice du centre ifo pour l’économie internationale.

Mise en réseau globale
L’un des domaines de croissance les plus dynamiques du secteur électronique allemand est la mise en réseau d’appareils et de systèmes – ce qu’on appelle l’Internet des objets (« Internet of Things », en abrégé : IoT). Les technologies IoT sont présentes dans presque tous les domaines de la vie, de la production industrielle à l’habitat privé. En font partie, entre autres, les thermostats connectés à Internet, les compteurs électriques et les systèmes d’éclairage intelligents. L’un des plus grands défis de ces solutions de maison intelligente est l’échange de données entre les différents systèmes, qui n’est pas encore standardisé. Mais les entreprises allemandes sont bien positionnées dans ce domaine : c’est ainsi que Bosch Smart Home, par exemple, s’engage pour le « standard Matter », afin que différents appareils puissent fonctionner ensemble sans encombre.
De grandes opportunités pour l’Internet des objets
L’industrie allemande se montre particulièrement convaincante dans l’Internet industriel des objets (IIoT), également appelé « Industrie 4.0 ». En combinaison avec des applications d’IA, de grandes opportunités s’y présentent : « Personne ne dispose de données industrielles aussi précieuses que celles-ci sous la main, et les modèles d’IA n’ont pas de valeur sans des ensembles de données de haute qualité », précise Kristian Kersting, chercheur en IA de l’Université technique de Darmstadt. L’intégration de technologies IoT dans les applications industrielles est soutenue par des plateformes logicielles performantes, telles que celles proposées par le géant allemand des logiciels SAP. Combiner les techniques d’automatisation avec une mise en réseau intelligente ouvre la voie à des processus de production plus efficaces, à une maintenance prédictive et à des concepts de fabrication flexibles. Le groupe Bosch, par exemple, a réussi à passer du statut de sous-traitant automobile traditionnel à celui de fournisseur leader de technologies de capteurs, de solutions d’intelligence artificielle et de produits en réseau. Selon les spécialistes, la recette du succès face à la concurrence internationale réside dans un mélange équilibré de savoir-faire en termes de matériel et de logiciels.