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« Rejoindre l’économie mondiale »

Fin octobre a lieu, à Berlin, le sommet du G20 sur l’investissement en Afrique. Stefan Liebing, le président de l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande, nous dit ce dont l’Afrique a besoin - et ce que l’Allemagne doit faire.

29.10.2018
Des ouvrières dans une usine textile moderne, à Addis Abeba
Des ouvrières dans une usine textile moderne, à Addis Abeba © dpa

Monsieur Liebing, l’initiative Compact with Africa (CwA) a été lancée en 2017, sous la présidence allemande du G20 ; elle avait essentiellement pour but d’encourager les investissements et de renforcer le secteur privé du continent. Quel a été l’impact de cette initiative ?
En adoptant l’initiative « Compact with Africa (CwA) » sous la présidence allemande du G20, le gouvernement allemand a amorcé une nouvelle politique africaine. Qui a surtout privilégié l’investissement afin de faire progresser l’infrastructure qui, elle, va de pair avec le développement économique du continent. C’est une bonne chose dont nous nous réjouissons. Mais il nous faut également souligner qu’il s’agit surtout de réformes sur le terrain, en Afrique. Or, cet état de choses ne suffira pas à stimuler les investissements allemands. Aucune PME allemande n’investira au Rwanda ou au Sénégal parce que la fiscalité y est mieux organisée. Ce qui s’avérera donc décisif, c’est de prendre, dans le cadre de l’initiative Compact, des mesures bilatérales d’accompagnement destinées, par exemple, à soutenir les PME allemandes et à minimiser les risques liés à ces investissements.

Stefan Liebing, le président de l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande
Stefan Liebing, le président de l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande © Afrika-Verein

Fin octobre, a lieu à Berlin le sommet du G20 sur l’investissement en Afrique. Quels sont, actuellement, les besoins les plus urgents de l’Afrique ?
Notre continent voisin est jeune : d’ici à 2050, la population africaine doublera, passant d’environ un bon milliard à deux milliards d’habitants. Et ce continent cherche du travail : dans quelques décennies seulement, le quart de la population active du globe sera africaine. L’Afrique a donc besoin d’emplois pour des millions de jeunes, chaque année. C’est la raison pour laquelle les économies africaines doivent sérieusement chercher à rejoindre l’économie mondiale, et ce dans l’intérêt de tous les acteurs. Mais cela ne pourra fonctionner qu’avec un développement économique autarcique, en lieu et place de la relation désuète donateur-receveur. Augmenter les investissements directs étrangers est une démarche impérative, en plus des efforts incontournables que doivent déployer les États africains pour améliorer leurs conditions générales.

En ce qui concerne les énergies renouvelables, l’économie allemande joue un rôle de leader, mais pas encore en Afrique
Stefan Liebing, le président de l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande

Le ministre du développement Müller a nommé l’Afrique le « continent des atouts ». En quoi consistent ses atouts majeurs ?
Le continent africain compte une classe moyenne de 360 millions d’habitants et plus d’abonnés à la téléphonie mobile qu’en Europe. De nouveaux projets d’infrastructure ne cessent de voir le jour et commencent à rattraper le retard accumulé dans les secteurs routier, portuaire et aéroportuaire. Nous assistons à la naissance d’un entrepreneuriat africain. Nous constatons une volonté d’industrialiser l’Afrique, et ce en tenant compte, dans la mesure du possible, de la neutralité climatique. Cela signifie qu’il y a un besoin énorme d’énergies renouvelables. L’économie allemande joue, certes depuis plusieurs années, un rôle prépondérant dans ce domaine, mais pas encore en Afrique.

Le ministre du développement, Gerd Müller, dans une usine textile moderne à Addis Abeba, en Éthiopie
Le ministre du développement, Gerd Müller, dans une usine textile moderne à Addis Abeba, en Éthiopie © dpa

Jusqu’ici, un nombre relativement restreint d’entreprises allemandes ont saisi les opportunités qui se sont présentées en Afrique. Y aurait-il un changement de cap en vue ?
Plusieurs secteurs de l’économie allemande fournissent d’ores et déjà des résultats : rien qu’en 2018, des projets d’une valeur d’un milliard d’euros sont en attente d’une décision ; un millier d’entreprises allemandes investissent en Afrique, des milliers d’autres ont conclu des contrats de partenariat commercial. Toutefois, l’Allemagne ne compte, de loin, pas parmi les investisseurs majeurs et nos engagements se concentrent dans un petit nombre de pays. Il y a donc moyen d’en faire bien plus. Car, dans l’ensemble, les risques évalués par nos sociétés masquent les nombreux atouts qu’offre le continent africain. Si la donne change – ce qui devrait se faire, tant sur le plan du développement que de la politique du commerce extérieur – il faudrait que le gouvernement allemand renforce son soutien et son appui surtout aux PME/PMI, sur les marchés considérés comme difficiles et à risque.

En Afrique, l’Allemagne est à la traîne. Dorénavant, nous ne pouvons plus nous le permettre.
Stefan Liebing, le président de l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande

Avec l’Association pour l’Afrique de l’économie allemande vous avez déjà accompagné un bon millier d’entreprises allemandes en Afrique. Quel bilan provisoire dressez-vous ?
Les entreprises allemandes offrent sur tout le globe, par le biais de leurs produits et de leurs technologies, leur savoir-faire - convoité – afin de répondre aux défis de la protection du climat et de l’industrialisation. Étant l’une des toutes grandes nations exportatrices, nous sommes aussi une économie aux investissements directs très internationalisés. Qu’il s’agisse de la transformation des matières premières, de la production de textiles pour le marché mondial ou de denrées alimentaires pour le marché domestique, l’Afrique a besoin de machines modernes, de solutions énergétiques fiables et de prestations logistiques efficaces. Les entreprises allemandes peuvent participer à cette croissance et sont particulièrement demandées pour leur technologie et leurs compétences spéciales en matière de formation des effectifs. Les sociétés allemandes n’ont jamais été aussi prospères qu’aujourd’hui mais, jusqu’ici, l’Afrique n’a pas été leur priorité. Sous ce rapport, l’Allemagne est à la traîne pour ce qui est des chances à saisir et des problèmes à résoudre. Dorénavant, nous ne pouvons plus nous le permettre.

Interview : Martin Orth

© www.deutschland.de

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