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Mechtild Rössler, Centre du patrimoine mondial

Dans la série de deutschland.de « En poste », des ambassadeurs et de grands collaborateurs allemands d’organisations internationales nous présentent leur travail. 

08.08.2016
© dpa/Unesco - Mechtild Rössler

Madame Rössler, lorsque vous avez commencé à travailler à l’UNESCO il y a 25 ans, il y avait 241 sites répertoriés au patrimoine mondial. Aujourd’hui, il y en a plus de 1 000. Comment le travail du Centre du patrimoine mondial a-t-il évolué ?

Le travail a beaucoup changé car, sur la liste, il y a de plus en plus de sites posant des problèmes. Ils sont situés dans des régions en guerre ou en conflit ou ils ont été touchés par des catastrophes naturelles, comme par exemple à Katmandu au Népal. À cela s’ajoute que nous avons de moins en moins de ressources pour apporter une aide aux sites individuels. Les 192 États ne contribuent pas davantage au fonds du patrimoine mondial – un pour cent de leur contribution à l’UNESCO – bien que le nombre de sites classés augmente constamment. Malheureusement, les États-Unis n’effectuent actuellement aucun paiement – pas plus à l’UNESCO qu’au fonds du patrimoine mondial – car la Palestine est devenue membre de l’UNESCO et Bethléem a été inscrite sur la liste. Cet argent nous fait évidemment défaut. De plus, les nominations sont devenues beaucoup plus complexes et détaillées.  

Depuis septembre 2015 vous êtes la directrice du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO. Compte tenu de ces problèmes, votre tâche vous cause-t-elle plus d’ennuis que de plaisir ? Qu’est-ce qui vous préoccupe le plus ?

Ma tâche reste l’une des plus agréables que l’on puisse avoir : la protection de l’exceptionnel patrimoine naturel et culturel du monde entier. Nous avons évidemment de nombreux soucis : le changement climatique, les catastrophes naturelles, les affrontements militaires et les conflits ou la destruction systématique de l’héritage commun de l’humanité par le terrorisme. Le drame est que nous ne pouvons pas assurer le soutien sur place faute d’aides nationales ou privées. Quel rôle jouons-nous en tant que communauté internationale si, à l’avenir, nous devons protéger l’exceptionnel patrimoine mondial pour les générations futures et que nous n’en avons pas les moyens ?  

Lors d’une conférence internationale pour la protection du patrimoine mondial syrien début juin 2016 au ministère fédéral des Affaires étrangères, de nombreuses mesures d’urgence ont été décidées afin de protéger ce patrimoine. Qu’est-ce qui est très menacé ou détruit ? Et qu’est-ce que vous estimez être possible ?  

Je suis allée moi-même en Syrie fin avril avec une petite équipe afin de faire un premier bilan à Damas et à Palmyre. C’était certainement très dangereux mais nécessaire. La situation à Palmyre était bouleversante en ce qui concerne le musée. Une bombe a traversé deux étages, jusqu’à la cave. Les objets d’art avaient été évacués par le service des antiquités peu avant l’arrivée de l’autoproclamé État islamique (EI). Deux personnes ont été blessées. Les grandes statues sont restées sur place et elles ont été décapitées. Mais c’est relativement facile de les restaurer. Toutefois, la cave entière est remplie d’objets et les travaux de déblayage s’avèrent difficiles puisque la  guerre sévit encore dans la région. Le site archéologique est à peu près conservé  et seuls des éléments isolés, tels que l’arc de triomphe et le temple de Baal, sont en partie détruits. Dès 2014, nous avons organisé une grande conférence sur la Syrie à l’UNESCO. La Conférence de Berlin en juin 2016 servait à mettre à jour le plan d’action, entre autres avec des activités concrètes à court, moyen et long terme. Si le conflit cesse bientôt, j’estime qu’il y a une grande opportunité car la conservation du patrimoine mondial est importante pour la population, pour son identité et son avenir culturel, social et économique. N’oubliez pas que, avant la guerre, Palmyre était une attraction touristique. La ville de 50 000 habitants vivait pratiquement des revenus directs et indirects du patrimoine mondial.        

De quels moyens disposez-vous pour faire valoir vos intérêts ? Et avec quel succès avez-vous pu les utiliser jusqu’à maintenant ?

Nous avons de nombreuses possibilités, tout d’abord de nature diplomatique : nous rappelons aux États ce à quoi ils se sont engagés lorsqu’ils ont signé la convention qui est un instrument juridique international – c’est-à-dire de faire tout le nécessaire afin de protéger ce patrimoine et pas seulement sur leur territoire mais aussi dans d’autres États. En cas de graves problèmes sur les sites, le comité peut envoyer une mission de surveillance pouvant les placer sur la liste des sites en danger ou même les rayer, comme dans le cas de la vallée de l’Elbe à Dresde. Cela est toutefois rarissime car les États prennent en considération l’avantage apporté par le classement : la suppression du titre serait pour la plupart d’entre eux une énorme perte de prestige tout comme une forte chute économique car le titre est bien souvent important pour le tourisme et le développement de la région. Nous avons connu certains succès auxquels j’ai eu la chance de participer : le sanctuaire des baleines d’El Viscaino au Mexique a été protégé et une usine de production de sel n’a pas été construite, tout comme ne l’a pas été un barrage qui aurait mis en danger le parc national de Durmitor au Monténégro.         

Combien de sites avez-vous vous-même visités ? Et quels sont ceux qui vous ont particulièrement impressionnée ?

En tenant compte des nouveaux sites de 2016, j’en ai probablement visité environ 60 à 70 pour cent car j’ai occupé plusieurs fonctions à l’UNESCO depuis 25 ans. J’ai souvent été impressionnée, par exemple par le cratère du Ngorongoro en Tanzanie, par les rizières en terrasses aux Philippines, le Wadi Rum en Jordanie, Angkor au Cambodge ou le  parc national d’Uluru-Kata Tjuta en Australie. J’ai aussi visité des sites exceptionnels normalement inaccessibles, comme Saint-Kilda en Atlantique Nord. Seuls les scientifiques ou les militaires peuvent accéder à ce groupe d’îles. J’aimerais me rendre aux îles britanniques d’Henderson ou à de Gough, mais je n’en ai pas le temps ; il faut six semaines en bateau pour atteindre l’île de Gough. Par contre, j’irai prochainement pour la  première fois au Bhutan, un pays où nous n’avons encore aucun site. On y a besoin de l’aide d’experts – une aide que j’apporte volontiers.

http://whc.unesco.org

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