Un partenariat stratégique
Depuis 2007, l’UE et l’Afrique sont liées par un partenariat stratégique. Une analyse.

Les défis et les intérêts communs comme la lutte contre le changement climatique, la réduction de la pauvreté ou la pacification de situations conflictuelles nécessitent un partenariat stratégique entre l’Europe et l’Afrique. Depuis que les Européens et les Africains ont créé un partenariat stratégique en décembre 2007 à Lisbonne, la coopération a progressé dans de nombreux domaines politiques. Toutefois, la stratégie UE-Afrique n’a, jusqu’ici, que peu contribué à renforcer les relations politiques.
Les objectifs que se sont fixés l’Europe et l’Afrique à Lisbonne sont aujourd’hui plus importants que jamais. La stratégie commune prévoit de renforcer les relations entre les deux continents afin de coopérer plus étroitement d’égal à égal (y compris) au-delà de la coopération au développement. Tant les Européens que les Africains désirent améliorer leur coopération bilatérale et au sein d’organismes internationaux, tout particulièrement en matière de consolidation de la paix et de la sécurité, de promotion de la démocratie et des droits de l’homme, de lutte contre le changement climatique et d’amélioration de la sécurité énergétique. Le renforcement du dialogue politique entre les représentants de l’Union européenne (UE), de l’Union africaine (UA) et de leurs États membres dans le cadre de huit partenariats thématiques devrait y contribuer et inclure sciemment aussi des organisations non gouvernementales, la société civile et l’économie privée. En adoptant cette stratégie, l’Europe et l’Afrique voulaient formuler une réponse aux changements géostratégiques, tout en tenant compte des développements politiques qui se sont produits en Europe et en Afrique. Étant donné l’élargissement des relations économiques et politiques entre la Chine, l’Inde ainsi que d’autres puissances montantes avec les pays africains, l’instauration du partenariat stratégique devait donner une nouvelle signification aux relations euro-africaines. En outre, la mise en place de la stratégie reflète le renforcement de l’intégration politique sur les deux continents. La création de l’Union africaine en 2002, son attachement aux valeurs comptant également en Europe et la signature du traité de Lisbonne en 2007 ont généré des deux côtés une dynamique qui facilite la coopération politique.
C’est surtout dans la mise en œuvre des partenariats thématiques que les Européens et les Africains ont progressé. L’état des lieux commun dressé en amont du Sommet de 2010, en Libye, a montré que les progrès enregistrés concernaient surtout les partenariats ayant pu se baser sur les structures de coopération et les initiatives qui existaient avant le partenariat stratégique, par exemple dans le domaine de la paix et de la sécurité, de l’énergie ou du partenariat d’infrastructure. Dans d’autres secteurs, en particulier dans la coopération visant à promouvoir la démocratie et les droits de l’homme, la mise en œuvre ne fait que débuter. L’UE prévoit, de 2014 à 2020, une enveloppe d’un milliard d’euros qui sera consacrée à un nouvel instrument panafricain, permettant également de soutenir le travail des partenariats thématiques. Cet instrument non seulement fournira plus de fonds aux partenariats, mais il permettra aussi un financement plus homogène car jusqu’ici, les partenariats étaient soutenus à partir de nombreuses cagnottes différentes dont notamment celle affectée à la politique de voisinage de l’UE.
Au-delà des plans d’action concrets, cette stratégie n’a toutefois apporté qu’une contribution limitée en vue d’atteindre ses objectifs principaux. Dans certains partenariats dont celui de la paix et de la sécurité ou dans le domaine de l’énergie, le dialogue politique fonctionne relativement bien. Dans d’autres secteurs tels le changement climatique ou la démocratie et les droits de l’homme, la stratégie n’a, jusqu’à présent, guère mené à une coopération plus étroite entre les Européens et les Africains ni à une meilleure coordination au sein des commissions internationales. Bien qu’ils aient négocié une position commune avant le Sommet sur le climat de Copenhague en 2009, les Européens et les Africains n’en ont pas moins pris des chemins différents pendant la conférence. Dans les commissions de l’ONU s’occupant des droits de l’homme, les États européens et africains votent de plus en plus souvent différemment.
Étant donné cette situation, l’enthousiasme pour cette stratégie s’était calmé dans les deux camps avant le Sommet UE-Afrique à Tripoli. Les divergences d’opinion dans une série de sujets politiquement sensibles comme la migration ou la question non résolue des accords de partenariat économique (APE) affectent durablement les relations. En outre, l’intervention militaire d’États européens membres de l’OTAN qui a eu lieu l’an dernier, donc en 2011, en Libye a donné lieu à des différends.
On n’a jusqu’ici guère eu recours aux institutions et aux dialogues structurés qui ont vu le jour avec cette stratégie, dans le but de chercher des solutions aux thèmes controversés. Au lieu de cela, les Européens et les Africains se concentrent sur la mise en œuvre des plans d’action, soit la plupart du temps sur des questions plutôt techniques. Or, la réalisation de projets et de programmes dans le cadre des huit partenariats ne se traduit pas en soi par une coopération politique plus étroite, d’égal à égal et au-delà de la coopération au développement, entre l’UE et les pays africains. À cela s’ajoute que, du point de vue du Ministère Fédéral des Affaires Étrangères, la stratégie est parfois considérée du côté africain comme une source supplémentaire pour un transfert de ressources, tandis que l’UE et ses États membres y voient en premier lieu une plateforme de dialogue.
Ce n’est ni l’importance ni les thèmes qui font défaut aux relations euro-africaines. Même si les Africains ont trouvé de nouveaux partenaires attrayants tels la Chine et d’autres puissances montantes, ils partagent un grand nombre d’intérêts avec l’UE. Mais tant qu’il y aura, des deux côtés à l’échelon politique le plus élevé, peu de volonté politique visant à renforcer leur partenariat et que très peu de mesures concrètes sont convenues en vue d’atteindre les objectifs fixés, cette stratégie restera un tigre de papier édenté. C’est pourquoi les deux côtés devraient profiter de la période d’ici le prochain Sommet UE-Afrique en 2013 à Bruxelles pour développer encore les instruments de leur partenariat.
Les auteurs sont des collaborateurs scientifiques du service de « politique de développement bilatérale et multilatérale » de l’Institut allemand de politique de développement (DIE) à Bonn.