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« Je place un grand espoir dans la jeunesse »

Lutter pour l’Europe: la politologue Gesine Schwan explique comment l’UE peut à nouveau être attractive pour les jeunes.

 

17.01.2024
Des jeunes s’engagent pour la cohésion de l’UE.
Des jeunes s’engagent pour la cohésion de l’UE. © dpa

Madame Schwan, vous vous battez pour l’Europe. Pourquoi recherchez-vous sans cesse le dialogue, même s’il est souvent difficile ?
Je suis née è Berlin en 1943 et ai grandi en étant consciente que la guerre était la cause d’une grande destruction en Europe. Dès mon plus jeune âge, j’ai donc compris que l’Europe était un projet de paix et de compréhension. J’ai fréquenté le lycée français de Berlin ; la compréhension bilatérale y était au premier plan. Après le lycée, j’ai appris le polonais et les relations germano-polonaises sont devenues particulièrement importantes pour moi, aussi pour ma thèse consacrée au philosophe polonais Leszek Kolakowski. Je me sens Européenne et je considère l’Union européenne dans la situation actuelle de bouleversement mondial comme le lieu où une cohabitation sociale, culturelle et politique est le mieux pratiquée – comme cela me paraît souhaitable.  

Gesine Schwan
Gesine Schwan © dpa

Qu’est-ce que le projet « Union européenne » a de particulier ?
L’UE était et demeure une superbe opportunité de passer de la guerre à la paix. Elle a déjà servi d’exemple pour de nombreux pays et continents, comme pour l’Union africaine. Nous avons l’obligation de ne pas trahir cet exemple.

La plupart des gens qui s’occupent professionnellement de l’Europe ne doutent pas de ses valeurs. Mais beaucoup de citoyens en ont assez de l’Europe. D’où vient cette divergence ?
Au cours des 30 dernières années, la politique de marché radicale et l’économisation des domaines de la vie se sont intensifiées. Cela a mené à de dangereuses inégalités. Ce n’est pas la Commission européenne qui en est responsable mais les Etats eux-mêmes. A mon avis, l’Allemagne a toléré les fractures au sein de l’UE au profit d’intérêts nationaux. Nous devons comprendre que l’Europe va échouer si nous ne changeons pas de cap.    

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Comment réussir ?
Il faudrait renforcer la participation au niveau communal. Si des communes comme celles de Gelsenkirchen, Nantes ou Murcie – avec un soutien européen – pouvaient par exemple se charger elles-mêmes de l’intégration des réfugiés cela renforcerait sensiblement l’autonomie des citoyens et en même temps le lien avec l’Europe. Cela ne suffit pas de mettre des pancartes sur les autoroutes indiquant « aménagement cofinancé par l’Union européenne » - cela n’intéresse presque personne.

Face à la crise des réfugiés vous avez reproché à l’UE et à l’Allemagne un « manque de solidarité ». Que vouliez-vous dire ?
Depuis 2015, la République fédérale d’Allemagne se plaint que les Etats d’Europe centrale et orientale ne sont pas solidaires avec elle pour ce qui est de l’accueil des réfugiés. Pourtant auparavant, pendant des années, la République fédérale n’était pas solidaire des pays du sud. L’Allemagne renvoyait sans cesse au règlement de Dublin non solidaire en matière de structure alors que c’était essentiellement la Grèce et l’Italie qui devaient gérer l’accueil des réfugiés. Je propose de créer un fonds européen pour européiser la politique de migration et des réfugiés. Le fonds récompenserait des communes pour leur accueil – pas seulement pour rembourser les frais mais aussi par un montant équivalent pour leur propre développement. Cela augmenterait la disponibilité à l’accueil et susciterait une dynamique positive.    

Au quotidien, on n’est bien souvent pas conscient de la mesure dans laquelle, dans l’UE, on est dépendants les uns des autres. Il y a bien longtemps que nous avons des liens transnationaux. 
Gesine Schwan, politologue

L’UE est confrontée à de nombreux défis : Brexit, nationalisme, inégalité. Qu’est-ce qui est en jeu pour les habitants si elle devait se désintégrer ?
Le Brexit paraissait si menaçant car nous craignions un effet domino. Pourtant c’est le contraire qui s’est passé : les Etats se sont rapprochés. Au quotidien, on n’est bien souvent pas conscients de la mesure dans laquelle, dans l’UE, on est dépendants les uns des autres. Il y a bien longtemps que nous avons des liens transnationaux, de la production jusqu’à l’organisation de l’éducation ou la médecine, en passant par le commerce. 

On devrait perdre énormément de temps à démêler tout cela si voulions vivre sans l’Union européenne. Je crois que les citoyens de l’UE savent aussi que c’est stupide. Toutefois la dépendance au sein de l’Europe n’est pas si forte que nous ayons à l’intérieur de l’Europe une relation fonctionnant sur la base de la confiance. Mais aimeriez vous vivre dans un monde où chacun trompe chacun ? Mais c’est l’enfer ! Je place un grand espoir dans la jeunesse : les jeunes ont l’énergie de changer cela.

Gesine Schwan vient d’une famille engagée socialement qui a appartenu aux cercles de la résistance sous le régime nazi. En 2004 et 2009, elle a été candidate à la fonction de président fédéral. Pendant près de dix ans, en tant que présidente, elle a dirigé l’Université européenne Viadrina à Francfort sur l’Oder. En 2009, avec d’autres scientifiques, elle a fondé l’ HUMBOLDT-VIADRINA School of Governance. Elle est aujourd’hui présidente et co-fondatrice de l’HUMBOLDT-VIADRINA Governance Platform, créée en juin 2014, qui s’engage en faveur de la promotion des processus démocratiques et des stratégies de gouvernance en Allemagne, en Europe et dans le monde entier.

Interview: Sarah Kanning

© www.deutschland.de