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Un visionnaire germano-africain

Commissaire d’exposition, essayiste, médiateur culturel, nouveau directeur de la Hause der Kulturen der Welt – Bonaventure Ndikung fait bouger l’Allemagne.

Werner Bloch, 19.11.2021
Un pionnier des milieux artistiques : le commissaire d’exposition Bonaventure Ndikung
Un pionnier des milieux artistiques : le commissaire d’exposition Bonaventure © dpa

Cet intellectuel parfaitement connecté à l’international, à la fois instigateur et réconciliateur, est une personnalité influant positivement sur les relations germano-africaines. Bonaventure Ndikung a en effet marqué plus que tout autre la perception de l’art africain en Allemagne. Sans le travail de pionnier de ce Camerounais, né en 1977 et vivant aujourd’hui à Berlin, à la fois commissaire d’exposition, essayiste, médiateur culturel, historien de l’art et expert en biotechnologie, nombre de débats n’auraient jamais eu lieu sur l’histoire coloniale allemande en Afrique, sur le rapport à l’héritage culturel et sur la restitution des biens culturels africains. L’image que les Allemands ont d’eux-mêmes n’aurait également guère changé dans ce contexte.

Nouveau directeur de la HKW à partir de 2023

Qui est cet homme qui, à partir de janvier 2023, assumera la direction de la Hause der Kulturen der Welt (HKW – Maison des cultures du monde) ? Bonaventure Soh Bejeng Ndikung, tel est son nom complet, est né à Yaoundé, la capitale du Cameroun. Jeune, il était déjà passionné par la culture, donnait des concerts en tant que musicien et vint à Berlin en 1997 pour y faire des études. Il a obtenu un titre de docteur en sciences dans le domaine de la biotechnologie à l’Université technique de Berlin.

Il a toujours été passionné par l’art. Peu après son doctorat, il commença à travailler comme auteur, conseiller et commissaire d’exposition – entre autres avec le Goethe-Institut, l’Institut für Auslandsbeziehungen (ifa – Institut des relations avec l’étranger) et d’autres grands organismes culturels. Il a participé plusieurs fois à la Biennale de Venise, entre autres comme co-commissaire du pavillon finlandais en 2019.

Un commissaire d’exposition reconnu

En 2017, Ndikung a été nommé Curator-at-large pour la documenta 14 à Kassel et Athènes. Responsable du domaine africain, il a créé quelques moments forts au cours de cette exposition dans l’ensemble controversée. Il a été commissaire invité de la Biennale Dak’Art au Sénégal, organisant également la célèbre Biennale de la photographie de Bamako. En 2020, la direction artistique du festival d’art de Sonsbeek, aux Pays-Bas, lui a été confiée pour quatre ans, festival où il se penche particulièrement sur l’impact et l’actualité de l’histoire de l’esclavage. Bonaventure Ndikung est professeur à l’École des Beaux-Arts de Weissensee à Berlin depuis 2020, l’année où la médaille de l’Ordre du mérite du Land de Berlin lui a été remise.

 

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Cet homme de 44 ans s’intéresse surtout à une approche nouvelle de l’Afrique et des relations africaines-européennes. « Manifestement, il y a des différences éclatantes entre les droits de l’homme en Occident et la manière dont on traite les gens dans d’autres parties du monde. La forme la plus actuelle de cette asymétrie globale est la répartition des vaccins. On parle aujourd’hui d’un « apartheid vaccinal ». Tant que de telles inégalités existent, l’expression « droits de l’homme » n’a aucun sens, dit Bonaventure Ndikung.

Il intervient souvent quand il y va de la restitution des biens culturels africains. « Nous réparons l’avenir », c’est ainsi que Ndikung définit fièrement sa mission dans une interview avec le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. « Restituer ne signifie pas seulement rendre quelque chose. Nous devons aussi penser à réparer, à réhabiliter. Il nous faut regarder les blessures et essayer de les panser – précisément avec et par l’art. »

Une initiative remarquée à l’international

La politique et la culture, l’art et l‘activisme vont de pair pour Ndikung. Comme il ne trouvait pas de partenaire pour une coopération au début de sa carrière dans les musées allemands, il fonda en 2009 l’espace artistique Savvy Contemporary, une initiative privée dans le quartier de Berlin-Neukölln où le visiteur trouvait des maquettes de train datant de l’époque du colonialisme allemand. Personnellement, Ndikung collectionnait des écrits et des livres, des artefacts que les historiens de la majorité de la société allemande ne considéraient pas comme pertinents ou même actuels. L’Afrique était à l’époque rare dans les médias allemands. C’est un autre des mérites de Bonaventure Ndikung que cela ait changé. Le Savvy Contemporary Laboratory, aujourd’hui installé dans le quartier de Wedding, est réputé à l’international. La coopération avec de grands intellectuels africains comme Achille Mbembe et Felwine Sarr est également l’un de ses mérites. Le fait que l’on écoute aujourd’hui les intellectuels africains en Allemagne est dû au travail de pionnier de Ndikung. Il publie un magazine en ligne sur l’art contemporain africain sous le titre Savvy art.contemporary.african.

Cet homme, qui se met volontiers en scène comme les sapeurs d’Afrique de l’Ouest avec force chapeaux, gilets et tuniques longues, est considéré par beaucoup comme un visionnaire passionné par la création d’un avenir plus diversifié. Ndikung ne veut pas encore dire ce qu’il montrera à partir de janvier 2023 comme directeur de la Hause der Kulturen der Welt à Berlin. Mais son orientation est claire : « Je veux que cela soit une Haus der Kulturen der Welt pour tous. Il s’agit de réparer les asymétries qui existent dans le monde. L’art joue un grand rôle en la matière. »          

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