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Des voix qui portent

La Foire du livre de Francfort présente des centaines d’auteurs. Nous vous faisons découvrir trois jeunes écrivains germanophones.  

09.10.2017
Elle adore les histoires : Sasha Marianna Salzmann
Elle adore les histoires : Sasha Marianna Salzmann © dpa

Allemagne. Tout ce qui est nouveau n’est pas forcément bon. Et ce que l’on qualifie de « jeune littérature » paraîtra peut-être dépassée dans quelques années. Nous prenons cependant un risque et vous présentons trois jeunes auteurs germanophones, qui écrivent avec tant de fraîcheur et de force, tellement proche de la réalité ou de manière aussi surréelle et fantastique que nous les lirons probablement également au cours des prochaines années.

Sasha Marianna Salzmann

Qui est-ce ?

Née en 1985 à Volgograd, ville qui était alors encore soviétique, Marianna Salzmann s’est fait un nom essentiellement en tant que dramaturge. Elle a émigré en Allemagne avec ses parents en 1995, y a étudié la littérature, le théâtre et l’écriture de pièces de théâtre. Elle a travaillé comme rédactrice et dramaturge. En 2016, le quotidien « Die Welt » écrivait : « Le théâtre Maxim Gorki est le ‘théâtre de l’année’ et cela grâce aussi à Sasha Marianna Salzmann qui y dirige la scène la plus expérimentale d’Allemagne : le Studio Я ».

De quoi s’agit-il ?

Le premier roman de Marianna Salzmann, « Außer sich », joue avec des éléments autobiographiques. Le personnage principal, Alissa, appelée Ali, est une enfant lorsqu’elle arrive à Berlin, venant de Russie. Elle a un frère jumeau qui a disparu. Sa recherche mène à Istanbul tout en faisant traverser, de manière narrative, le XXe siècle désordonné et retourner à l’Union soviétique jusqu’à l’époque de Staline. Ce livre est un panorama, mais surtout une chevauchée à travers les styles littéraires. Il foisonne d’histoires, endiablées, violentes même, allant jusqu’à l’anarchie. Il a été nominé pour le Prix du livre allemand 2017.    

Pourquoi faut-il retenir le nom de Sasha Marianna Salzmann ?

En 2016, la revue théâtrale « Die Deutsche Bühne » a fait de Salzmann la personne de la saison : « Salzmann, avec son regard sensible sur un présent brutal et se retournant sur son passé est peut-être l’auteure de théâtre du moment ». Avec son roman « Außer sich », elle montre qu’elle peut aussi utiliser la force d’expression de ses dialogues et de ses descriptions pour la transformer en longueur épique. Un talent double qui est rare.   

Robert Prosser

Qui est-ce ?

Cet Autrichien est né au Tyrol en 1983. Robert Prosser a fait des études de littérature comparée et d’anthropologie sociale et culturelle. Il est cofondateur de la scène de lecture d’Innsbruck et se produit depuis plusieurs années avec ses textes lors de performances artistiques. En août 2017, son premier roman « Phantome » a été nominé pour le Prix du livre allemand ; en octobre 2017, le roman s’est placé au palmarès autrichien des meilleurs livres. 

De quoi s’agit-il ?

Robert Prosser est un réaliste convaincu. Il ne joue pas avec la langue et exclut les minauderies. Mais surtout il évite de se demander si les romans peuvent refléter la réalité. Prosser ose aborder un chapitre sombre du passé récent. Il retrace l’histoire de la jeune Bosniaque Sara, qui part à la recherche de sa mère en Bosnie-Herzégovine et reconstruit les événements de la guerre civile en Yougoslavie au début des années 1990. Le roman est d’un ton résolu mais ne présente pas un panorama. Il raconte ce que la guerre fait d’un individu, ce que la violence fait d’une famille. Et comment les effets des guerres et de la violence demeurent, même s’ils semblent avoir été surmontés depuis longtemps.

Pourquoi faut-il retenir le nom de Robert Prosser ?

La recherche de trace effectuée par Prosser, qui inclut en partie des éléments de reportage, fait revivre la guerre de l’ex-Yougoslavie. Il prouve que l’on peut raconter de manière contemporaine et moderne, tout en restant lisible. Prosser recourt d’une manière tout à fait traditionnelle à des personnages qui, en qui en tant que narrateurs, et même peut être en tant que symboles d’identification, sensibilisent à un événement que l’on aimerait plutôt tenir à l’écart. Un auteur politique dans le meilleur sens du terme.   

Il parle de la guerre : Robert Prosser
Il parle de la guerre : Robert Prosser © Melanie Hauke

Maren Wurster

Qui est-ce ?

Maren Wurster, née en 1976, vit à Berlin. Elle a fait des études de théâtre, de cinéma et de télévision, de littérature allemande et de philosophie à Cologne. En 2016, elle a passé un master à l’Institut littéraire allemand de Leipzig.

De quoi s’agit-il ?

« La métamorphose de l’héroïne du premier roman de Maren Wurster, ‘Das Fell’, n’a rien à voir avec Kafka ! » a imploré un critique en présentant le roman de Maren Wurster. Et pourtant il faut tirer son chapeau devant une auteure qui ose écrire une histoire où une femme se métamorphose peu à peu. Surtout parce que, avec ce thème, chacun pense au grand auteur pragois et à l’histoire de Gregor Samsa. Le corps de Vic qui vit à Berlin, se recouvre d’un pelage alors qu’elle fait une randonnée la conduisant au bord de la mer Baltique où son amant et sa famille passent leurs vacances. L’histoire est racontée de manière très réaliste ; le surréel et le fantastique arrivent à pas feutrés. Le pelage en tant que symbole demeure un mystère du roman qui reste ambigu et où l’énigme n’est pas résolue.   

Pourquoi faut-il retenir le nom de Maren Wurster ?

L’insouciance, presque l’impertinence, avec laquelle Wurster utilise le motif de la métamorphose mérite la plus grande attention. De plus, elle maîtrise un ton tellement léger et magique qu’il évite souvent que l’on reconnaisse immédiatement la monstruosité qu’elle évoque. 

Elle crée des mondes magiques : Maren Wurster
Elle crée des mondes magiques : Maren Wurster © Benjakon