L’IA made in Germany : La solution intelligente en Europe
Les entreprises allemandes du secteur de l’IA préfèrent les solutions spécialisées aux grands modèles, ce qui leur vaut une grande réussite à l’international.

« Il est temps de terminer notre échauffement et de nous lancer enfin dans la course. » C’est ce qu’a déclaré récemment Susanne Dehmel, membre de la direction de Bitkom, association allemande du secteur de l’économie numérique, au sujet d’une avancée ayant attiré l’attention des développeurs IA du monde entier : la startup chinoise DeepSeek a dévoilé son modèle de langage, dont le fonctionnement nécessite bien moins de ressources que les systèmes de pointe actuels aux États-Unis. De tels modèles requièrent habituellement un très long entraînement sur la base d’une quantité de données impressionnante. Experte du numérique, Susanne Dehmel affirme : « DeepSeek prouve que le marché de l’IA est encore plus dynamique que prévu, que les gagnants, tout comme les perdants, ne sont pas encore connus, et que les USA sont encore loin d’avoir le monopole du secteur ». Ce serait donc une bonne nouvelle dans le débat autour de la souveraineté numérique de l’Allemagne et de l’Europe.

Petite structure, grand potentiel
Quel est le secret de la réussite de DeepSeek ? Selon Kristian Kersting, le succès surprise de l’entreprise chinoise est la preuve que la taille n’est en aucun cas un critère déterminant pour obtenir d’excellents résultats qualitatifs. Professeur en intelligence artificielle et en apprentissage automatique de la filière informatique de l’Université technique de Darmstadt comptant parmi les plus grands spécialistes en IA d’Allemagne, il déclare : « La tâche est divisée en sections et l’IA est adaptée à leur degré de difficulté. Par exemple, le calcul 2 + 2 ne nécessite pas autant de capacités que la question de la solution à la crise climatique. »
Partenariats avec des entreprises locales
Cela apporte également un tout autre éclairage à une nouvelle peu réjouissante au premier abord : En septembre 2024, Aleph Alpha, la startup allemande de premier plan spécialisée en IA et l’un des espoirs nationaux dans la course aux grands modèles de langage, renonçait à participer à ce bras de fer. L’entreprise annonçait vouloir se concentrer sur de plus petits modèles pour des domaines d’application spécifiques, selon les dires de Jonas Andrulis, directeur de Aleph Alpha. Cette approche pourrait en effet s’avérer payante à moyen terme. L’entreprise française Mistral, l’un des autres espoirs européens du secteur de l’IA, a également choisi cette voie. Et cette décision porte ses fruits : Le PDG de Mistral, Arthur Mensch, affirme que de plus en plus d’entreprises européennes cherchent à créer des partenariats avec des sociétés locales. Aleph Alpha coopère d’ores et déjà avec des PME allemandes. « Au final, il s’agit aussi de monétiser de tels modèles, donc de rendre leur utilisation concrète. Et c’est une voie que nous empruntons, en Allemagne et en Europe, de manière plus conséquente qu’ailleurs » déclare le professeur Kersting.
200 milliards d’euros pour l’IA en Europe
Depuis le Sommet pour l'action sur l'intelligence artificielle à Paris en février dernier, le secteur allemand et européen dispose de capitaux bien plus conséquents, impérativement nécessaires au développement de modèles IA. L’UE souhaite investir près de 200 milliards d’euros dans l’innovation en matière d’IA.
Startups leaders en Allemagne dans l’IA
De nombreuses sociétés allemandes du secteur, d’ores et déjà bien implantées au niveau international, pourraient bénéficier de telles aides. Celonis, une société dérivée de l’Université technique de Munich, est actuellement estimée à des dizaines de milliards d’euros. Cette société aide les entreprises à analyser et optimiser les processus commerciaux. La startup Black Forest Labs est le leader mondial de la génération d’images par l’IA sur la base des résultats de recherche de Björn Ommer, un chercheur de pointe de renommée mondiale dans le domaine de l’IA de l’Université Louis-et-Maximilien de Munich. L’entreprise d’armement de Munich Helsing est considérée comme l’une des entreprises de défense à la croissance la plus rapide en Europe. Sa valeur est estimée à cinq milliards d’euros. La course a donc peut-être bien déjà commencé.