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« Nous pouvons traiter efficacement les troubles post-traumatiques »

Anke Köbach mène des recherches sur la violence et ses conséquences dans de nombreux pays. Dans l’entretien, elle explique comment aider les réfugiés souffrant de traumatismes. 

Kim BergKim Berg , 06.10.2023
Anke Köbach a étudié les traumas en Somalie.
Anke Köbach a étudié les traumas en Somalie. © AdobeStock

Anke Köbach de l’université de Constance dirige plusieurs projets de recherche sur la thématique de la violence et sur le traitement des trauma et des agressions. Elle a travaillé et mené des recherches entre autres en Éthiopie, au Brésil, en République démocratique du Congo, au Rwanda, Sénégal et en Ouganda. 

Madame Köbach, quel impact ont les traumas sur le comportement et la santé psychique des individus ? Des différences interculturelles existent-elles ?
Que ce soit en République démocratique du Congo, en Allemagne ou au Brésil, il n’y a que peu de différences sur la manière dont nous en tant qu’individus réagissons aux menaces portées à notre intégrité physique ou sociale. Également, la façon dont les traumatismes se manifestent dans notre vie et sur notre comportement ne dépend pas vraiment de l’aspect culturel. La plupart du temps, ce n’est pas une simple expérience traumatique qui amène à un effondrement de la santé psychique mais plutôt une accumulation de traumas sur toute une vie.  

Anke Köbach, université de Constance
Anke Köbach, université de Constance © privat

Comment se manifeste le début d’un effondrement psychique ?
Tout d’abord, notre environnement nous semble toujours plus menaçant et de plus en plus de choses nous ramènent aux évènements traumatiques. Nous réagissons ensuite en essayant de contrôler et de réprimer les sensations dérangeantes. Nous évitons des lieux, des personnes, des thématiques, des pensées et bien plus pour ne pas nous souvenir. Est-ce que cela aide et pour combien de temps ? Il faut prendre en compte différents éléments pour y répondre : Quelle prédisposition génétique avons-nous ? Comment celle-ci est-elle lue (épigénétique) ? Qu’avons-nous vécu d’autre ? Notamment : combien de traumas avons-nous vécus jusqu’ici ? Avons-nous vécu de la violence dans notre enfance ? Quel est notre niveau de stress au quotidien ? Existe-t-il du soutien sur les réseaux sociaux ? Si l’on en vient à éviter activement le problème, la situation ne fait qu’empirer. En effet, cela empêche d’analyser ce qui a été vécu et de mettre en place un processus collectif qui permettrait de combattre efficacement et sur le long terme la violence et les traumas. 

Quel enseignement tiré de votre travail de recherches internationales vous semble particulièrement important ?
La conclusion la plus déterminante à laquelle je suis arrivée grâce à mes recherches est qu’une intervention à la fois individuelle et basée sur la communauté, qui porte en elle et relie ces deux aspects et qui considère la souffrance que la violence a causée, peut aider efficacement les individus et les communautés/sociétés concernés. Cela permet d’une part de traiter efficacement les troubles post-traumatiques et de l’autre, de mettre en place un processus collectif qui élimine la stigmatisation et prévient la violence et le trauma. En tant qu’individu et société, nous ne sommes pas impuissants face à la violence, même quand l’État et la législation font défaut. 

Comment les traumas causés par de la violence se traitent-ils ?
L’élément le plus important dans le traitement du trauma est l’analyse du vécu, c’est un élément commun à toutes les approches basées sur des données scientifiquement validées. La Thérapie par exposition à la narration (NET) est une des approches thérapeutiques particulièrement adaptées aux patients qui ont vécu plusieurs épisodes traumatiques. 8 à 12 séances permettent d’analyser en détail les expériences les plus importantes vécues par le patient, positives et négatives, et de construire un récit de vie cohérent. On remet de l’ordre dans le passé qui peut ainsi être assimilé autrement afin que les souvenirs ne prennent plus le contrôle du quotidien. Je suis toujours très impressionnée par la compréhension intuitive et l’efficacité de la NET, que ce soit pour les futurs thérapeutes avec ou sans formation de base en psychologie ou pour les patients. 

Que peuvent apprendre les thérapeutes basés en Allemagne des projets internationaux ?
Par exemple, les approches qui familiarisent très tôt les psychothérapeutes en formation avec des thérapies du trauma basées sur des données scientifiquement validées telles que NET pour des patients issus de cultures différentes ouvrent une nouvelle voie. Un autre concept : Faire appel à des marraines ou parrains, soit des personnes issues de l’immigration, proches de par leur culture, qui ont déjà réussi leur intégration dans le nouvel environnement pour permettre aux réfugiés d’accéder le plus rapidement possible à un traitement spécifique. Les programmes de protection devraient également devenir un important levier. Ils visent à diminuer la charge que représente l’histoire personnelle du réfugié et à renforcer la résilience avant que la santé psychique et le fonctionnement quotidien ne s’effondrent. Là également les marraines et parrains peuvent jouer un rôle central et soulager le système psychothérapeutique. Ces projets sont mis en œuvre par exemple par vivo international e.V. 

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