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L’étoffe dont on fait des perspectives

Des start-ups permettent aux réfugiés d’accéder au marché du travail. Visite dans un atelier de couture à Francfort-sur-le-Main.

09.12.2016
© Abbi Wensyel Photography - Ankommer

Esraa est debout devant une haute table de travail et plie un coupon de tissu. Elle prend une grande caisse en plastique dans l’étagère à côté d’elle et y dépose le tissu. Chaque caisse porte le nom de l’une des entreprises de mode pour lesquelles Esraa et ses collègues cousent des vêtements. Cette jeune femme de 21 ans travaille avec habileté, comme si elle n’avait jamais fait autre chose. Or le chemin la menant à ce petit atelier dans le quartier Nordend de Francfort a été long. Esraa vient de Syrie et a fait des études de stylisme à Damas. En 2015, elle a fui devant la guerre civile dans son pays et est venue en Allemagne.

Esraa

Elle fait partie depuis quelques mois de la petite équipe de « Stitch by Stitch ». Nicole von Alvensleben et Claudia Frick ont ouvert cet atelier de couture fin 2015. La designer Claudia Frick savait qu’il existait un besoin en ateliers fabriquant des vêtements en petit nombre et de grande qualité. Nicole von Alvensleben apportait, elle, son expertise de gestionnaire en économie sociale. Et toutes deux s’intéressaient à un même sujet, l’intégration des réfugiés dans le marché du travail.

La KfW-Stiftung et Social Impact soutiennent « Ankommer »

Avec l’aide de la fondation KfW-Stiftung et de Social Impact, une agence pour les innovations sociales, leur idée devint une entreprise. Les deux femmes obtinrent une « bourse Ankommer ». Cette bourse est accordée aux start-ups et aux initiatives qui permettent aux réfugiés d’accéder au marché du travail. « L’intégration des réfugiés ne peut réussir que s’ils sont intégrés au niveau économique », dit Bernd Siegfried, le responsable de la KfW-Stiftung.

Près de 30 initiatives, actives surtout dans la restauration et l’artisanat, ont déjà profité des bourses Ankommer. Elles peuvent utiliser pendant huit mois les salles d’un « Social Impact Lab » dans différentes villes allemandes, sont conseillées au niveau financier et juridique et intégrées dans le réseau des centres de création d’entreprise. Avec succès, dit Norbert Kunz, le responsable de Social Impact. « Les 14 équipes soutenues lors du premier round ont toutes fondé des entreprises et ont créé à ce jour près de 50 postes d’apprentissage et de travail. »

Une formation de couturière

Outre Esraa, quatre autres femmes venues de Syrie et d’Afghanistan travaillent dans l’atelier de couture de Francfort. La demande d’asile de la plupart d’entre elles n’a pas encore été examinée. Mais leurs deux cheffes s’engagent pour qu’elles aient néanmoins une perspective.  Esraa suit maintenant une formation de couturière, une autre collaboratrice rattrape la partie théorique de la formation dans une école professionnelle et devrait obtenir son C.A.P. dans deux ans.

Les connaissances pratiques de ces femmes sont d’ailleurs excellentes, dit Nicole von Alvensleben. « Elles ont apporté de leurs pays des aptitudes qui n’existent plus chez nous, notamment dans la broderie. » Les clients de l’atelier apprécient cet état de fait. « Stitch by Stitch » réalise surtout des petites séries. Aujourd’hui, des commandes viennent aussi de grands fabricants de mode qui accordent de l’importance à une production durable et à des conditions de travail équitables.

Le « facteur prise en charge » est déterminant

Pour les créatrices de l’entreprise, cette année depuis l’ouverture de l’atelier a été un véritable succès – et a été chargée de travail et d’engagement personnel. « Nous accompagnons parfois nos collaboratrices dans les administrations ou les aidons à comprendre une lettre officielle », raconte Nicole von Alvensleben. Ces expériences montrent pourquoi les grandes entreprises ont de la difficulté à intégrer des réfugiés. « L’ajustement en finesse est difficile pour les grandes entreprises avec leurs structures rigides », dit Bernd Siegfried de la KfW-Stiftung. L’intégration fonctionne bien surtout dans les petites et moyennes entreprises parce qu’elles offrent aussi un « facteur prise en charge ».

L’engagement des créateurs d’entreprise doit être récompensé. En 2017, la KfW-Stiftung et Social Impact attribueront pour la première fois un prix doté de 45.000 euros, le Special Impact Award. Il distinguera des boursiers Ankommer particulièrement novateurs et d’autres entreprises sociales performantes.

© www.deutschland.de