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Avantages concurrentiels dans l’économie numérique

La sociologue Sabine Pfeiffer estime que l’Allemagne est bien positionnée pour tirer son épingle du jeu dans la numérisation du monde du travail. 

Ralf Isermann , 19.07.2023
Experte en transformation numérique : la sociologue Sabine Pfeiffer
Experte en transformation numérique : la sociologue Sabine Pfeiffer © Andreas Amann / fessen+friends

La numérisation du monde du travail s’accélère et l’intelligence artificielle ne fait qu’accentuer le phénomène. La sociologue Sabine Pfeiffer, de l’université d’Erlangen-Nuremberg, se consacre depuis des années à la transformation numérique. Elle conseille également le ministère allemand du Travail. 

Pr Pfeiffer, quelles sont les tendances en matière de numérisation de l’industrie ?
Lorsque nous parlons de tendances dans l’industrie allemande, il y a une grande différence si nous nous référons, par exemple, à un grand groupe automobile, à l’industrie chimique ou à une entreprise de taille moyenne qui réussit en tant qu’acteur mondial, ou global player. Ces entreprises évoluent de manière assez différente, ce qui constitue peut-être aussi un problème dans le débat sur la numérisation, qui a tendance à tout généraliser. Dans de nombreux secteurs de l’industrie, nous constatons qu’avant, la numérisation était toujours présentée comme un outil de travail. La fraiseuse CNC commandée par ordinateur ou les robots industriels : on pense d’abord aux outils de travail. Actuellement, le caractère transformatif se situe là où la numérisation entre dans le produit et ce qu’elle y change. Ensuite, il s’agit de savoir où les deux éléments se rejoignent et quels modèles commerciaux peuvent y être associés. 

Avec l’avancée de la numérisation, beaucoup de gens craignent pour leur emploi. Est-ce que les emplois vont être numérisés ?
Les nombreuses innovations, transformations et adaptations qu’exigent la numérisation ou la transition écologique nécessitent avant tout une chose : davantage de main d’œuvre humaine. Les produits de numérisation actuels – qu’il s’agisse de l’intelligence artificielle, de robots ou de lunettes de réalité augmentée – il ne suffit pas de les déballer et ils se mettent à fonctionner automatiquement. Ils n’ont des effets positifs que s’ils sont adaptés : au modèle commercial d’une entreprise, à ses propres marchés, à ses propres produits. Il faut donc y consacrer beaucoup de travail en amont. Cela, nous avons tendance à l’oublier dans le débat sur la transformation numérique : elle ne tombe pas du ciel, elle doit être fabriquée sur mesure. 

Les nombreuses innovations, transformations et adaptations qu’exigent la numérisation ou la transition écologique nécessitent avant tout une chose : davantage de main d’œuvre humaine.
Sabine Pfeiffer, sociologue

Comment l’industrie allemande se positionne-t-elle par rapport aux autres pays ?
Supposer que l’industrie allemande est à la traîne sur le plan numérique est une opinion qu’on partage volontiers, et qui est pourtant fausse. Je vois les choses autrement : l’industrie de production représente un avantage concurrentiel, notamment dans l’économie numérique. En effet, elle dispose de données spécifiques que toutes les économies nationales ne possèdent pas. Il faut en tirer le meilleur parti. Et il ne faut pas sous-estimer ses propres atouts : ce sont les travailleurs qui ont des connaissances en matière de production. Nos employés dans le secteur de la production sont, pour la plupart, extrêmement qualifiés. Nous disposons des personnes les plus qualifiées pour mettre en œuvre l’intelligence artificielle à bon escient et pour l’exploiter intelligemment sur le long terme au niveau économique. C’est un réel atout en matière de compétitivité.

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