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Comment les fournisseurs d’énergie allemands se réinventent

Électricité issue du soleil, du vent et de l’hydrogène : le secteur allemand de l’énergie se trouve au cœur d’une profonde transformation. 

Wolf ZinnWolf Zinn, 18.06.2025
L’énergie éolienne est une source d’énergie importante en Allemagne.
L’énergie éolienne est une source d’énergie importante en Allemagne. © madphane

L’électricité ? Elle vient de la prise électrique ! Lorsque le matin, la machine à café glougloute, la radio joue un fond sonore et le smartphone fraîchement chargé émet des bips, peu de gens pensent à ce qui rend tout cela possible. Que ce soit dans l’industrie, les transports ou à la maison, sans un approvisionnement énergétique fiable, provenant des sources les plus diverses, tout s’arrêterait. L’électricité, la chaleur et les carburants représentent les artères vitales de notre société moderne – principalement dans un pays industriel comme l’Allemagne. En 2024, plus de 430 milliards de kilowattheures d’électricité d’origine nationale ont été injectés dans le réseau électrique. Près de 60 pour cent de cette énergie provenait de sources renouvelables – surtout de l’éolien (31,5 points de pourcentage), du photovoltaïque (14), du biogaz (7) et de l’hydraulique (5). 

2 300 entreprises approvisionnent l’Allemagne en énergie 

Le secteur allemand de l’énergie est très diversifié : environ 2 300 grandes et petites entreprises opérant dans les domaines du gaz, de l’électricité et du chauffage urbain se consacrent à la production d’électricité, à l’extraction de gaz et de charbon, au stockage de l’énergie, à l’approvisionnement des clients et à l’exploitation des réseaux. Selon l’Office fédéral allemand de la statistique, le chiffre d’affaires total s’élevait en 2021 à 717 milliards d’euros. En 2024, le secteur a employé près de 210 000 personnes et les investissements ont dépassé les 32 milliards d’euros.  

RWE compte parmi les grands acteurs du secteur. Fondée en 1898 à Essen, la compagnie Rheinisch-Westfälische Elektrizitätswerk AG (RWE AG) symbolise mieux que toute autre entreprise la profonde transformation du secteur énergétique allemand. Le succès du développement industriel de l’Allemagne a longtemps reposé sur l’utilisation de sources d’énergie fossiles, notamment la production d’électricité à partir de lignite et de charbon. Et grâce à RWE, la région de la Ruhr autour d’Essen a été pendant des décennies le centre de l’extraction et de l’industrie du charbon en Allemagne.  

La mine de lignite à ciel ouvert de Garzweiler doit cesser son activité d’ici 2030.
La mine de lignite à ciel ouvert de Garzweiler doit cesser son activité d’ici 2030. © RWE AG

Sortie de l’énergie nucléaire 

L’énergie nucléaire a également joué un rôle considérable en Allemagne, le pays comptant à certaines périodes jusqu’à 37 réacteurs ; et dans ce domaine également, RWE était l’un des plus grands exploitants. Cependant, les catastrophes nucléaires de Tchernobyl, en 1986, et de Fukushima, en 2011, renforcèrent le scepticisme de la population vis-à-vis de cette technologie. Finalement, le gouvernement allemand décida de sortir progressivement du nucléaire. La dernière centrale nucléaire fut déconnectée du réseau en avril 2023 : un changement de paradigme. Puis s’ajoutent à cela les conséquences de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine en matière de politique énergétique. L’économie allemande a profité pendant de nombreuses années de l’importation d’énergie fossile en provenance de Russie, en particulier de gaz bon marché. Depuis le 24 février 2022, l’objectif déclaré du gouvernement allemand est de réduire les importations à un niveau proche de zéro.  

L’Allemagne veut atteindre la neutralité climatique 

Depuis les années 1970, les Allemands sont de plus en plus conscients des problèmes environnementaux. Et la transition énergétique (c’est-à-dire le passage à un approvisionnement énergétique durable) constitue, depuis plusieurs décennies déjà, un objectif central de la politique allemande. Cette transition signifie, tout d’abord, une réduction significative des sources d’énergie fossiles : en 2024, la part de la production d’électricité à partir du charbon était encore de 22,5 pour cent ; le gouvernement allemand avait décidé, en 2020, de sortir progressivement du charbon d’ici 2038, au plus tard. La transition implique, par ailleurs, un développement massif des énergies renouvelables, leur part dans la consommation d’électricité devant atteindre au moins 80 pour cent d’ici 2030. Dans le cadre des investissements prévus dans les infrastructures, l’objectif de neutralité climatique d’ici 2045 a même été inscrit dans la constitution allemande, en mars 2025.  

Photovoltaïque : en 2024, la part en Allemagne était de 14 pour cent.
Photovoltaïque : en 2024, la part en Allemagne était de 14 pour cent. © Karl-Friedrich Hohl

RWE : de l’énergie fossile à l’avant-garde de la transition 

Du fait de l’évolution du contexte politique, de nombreuses entreprises énergétiques allemandes ont dû se réinventer. RWE, jadis symbole de la production d’énergie fossile, se positionne aujourd’hui comme un précurseur en matière de développement durable. « Nos principales technologies sont les installations éoliennes en mer et sur terre, les installations solaires, les systèmes de stockage par batterie ainsi que les centrales à gaz. Nous comptons, toutes technologies et tous pays confondus, près de 150 projets en cours de construction, pour une capacité totale de 12,5 gigawatts », explique Markus Krebber, CEO de RWE. C’est ainsi que le groupe prévoit, par exemple, d’établir en mer du Nord allemande le « Nordseecluster », soit quatre parcs éoliens offshore d’une capacité totale d’environ 1,6 gigawatt. Les deux premiers parcs devraient être mis en service dès 2027. L’entreprise réalise aussi des projets offshore à grande échelle en Grande-Bretagne, au Danemark et aux Pays-Bas, en collaboration avec d’autres partenaires. 

À côté de l’énergie éolienne, RWE mise de plus en plus sur les technologies de l’hydrogène. Sur le site de Lingen, l’entreprise exploite une installation d’essai d’électrolyse de 14 mégawatts, destinée à la production d’hydrogène vert. Par ailleurs, dans le cadre de l’initiative « GET H2 Nukleus », RWE prévoit de construire un électrolyseur de 300 mégawatts, soutenu par des fonds publics à hauteur de plus de 490 millions d’euros.  

Markus Krebber, CEO de RWE
Markus Krebber, CEO de RWE © RWE

E.ON investit 43 milliards d’euros 

Avec ses 75 000 employés, ses 47 millions de clients et son réseau de distribution d’énergie de 1,6 million de kilomètres, E.ON – l’un des plus grands groupes énergétiques d’Europe – participe, lui aussi, à la mise en œuvre de la stratégie allemande en matière d’hydrogène et fait avancer la transition énergétique de diverses manières. D’ici 2028, l’entreprise veut investir dans toute l’Europe 43 milliards d’euros dans la modernisation de l’infrastructure nécessaire à cet effet. Dans ce contexte, la direction formule des exigences claires à l’égard des responsables politiques : ces derniers doivent s’éloigner des « objectifs détaillés portant sur des décennies passées et désormais s’orienter vers une politique énergétique agile, pragmatique et orientée vers le marché », selon Thomas Birr, Chief Strategy Officer chez E.ON. D’après Birr, l’électrification est le moyen le plus efficace de réduire les émissions : la demande d’électricité dans l’UE devrait augmenter de 30 pour cent d’ici 2035. Cela requiert « une utilisation optimisée des ressources », une extension intelligente et numérique des réseaux et une « meilleure synchronisation avec le développement des énergies renouvelables ». 

Le réseau de distribution d’électricité allemand s’étend sur 1,8 million de kilomètres.
Le réseau de distribution d’électricité allemand s’étend sur 1,8 million de kilomètres. © E.ON

L’économie compte sur la nouvelle ministre 

Bon nombre d’entreprises énergétiques allemandes placent leurs espoirs dans la nouvelle ministre de l’Économie et de l’Énergie, Katherina Reiche. « Le développement ambitieux des énergies renouvelables reste primordial ; mais celles-ci devront, dans le futur, être encore mieux intégrées dans le système global », déclare Kerstin Andreae, présidente de la Fédération allemande de l’énergie et de l’eau (BDEW). À l’avenir, le gaz naturel pourrait, entre autres, prendre de l’importance, sa part s’élevant en 2024 à près de 15 pour cent. Lors de l’entrée en fonction du gouvernement allemand, début mai 2025, Reiche avait déjà annoncé la construction de nouvelles centrales à gaz d’au moins 20 gigawatts afin de garantir la sécurité d’approvisionnement en Allemagne. « Nous avons besoin de centrales à gaz flexibles, qui fournissent de l’électricité lorsque le vent ne souffle pas et que le soleil ne brille pas. Et nous en avons besoin rapidement », a annoncé la ministre.