« Il nous faut recréer 
l’enthousiasme pour l’Europe 
à chaque génération »

M. Makowski, l’Europe ne traverse-t-elle pas seulement une crise financière mais aussi une crise d’identité culturelle ? L’heure ne serait-elle pas maintenant à la culture, à une grande idée ?

Je n’espère pas une grande idée qui sauverait l’Europe d’une crise identitaire supposée. L’Europe, c’est une multitude de petits composants. Le président du Goethe-Institut, Klaus-Dieter Lehmann, la décrivait l’année dernière en ces termes : « L’Europe n’est ni un melting pot ni un saladier, mais une mosaïque ». La crise a certainement quelque chose à voir dans le fait que nous considérons trop l’Europe comme une évidence ; or il faut recréer l’enthousiasme pour le projet européen à chaque génération. Mais je ne crois pas qu’on y parvienne avec une idée maîtresse, je mise plutôt sur les rencontres et le dialogue d’égal à égal au fil d’une coopération concrète.

Quand on laisse à l’arrière-plan les liens historiques, qu’est ce qui joue un rôle de trait d’union dans la culture européenne ?

Le trait d’union actuel dans la culture européenne réside précisément dans ces liens, on ne peut donc pas répondre à une question posée en ces termes. C’est un paradoxe : l’Europe est le continent de nombreuses langues mais on découvre un même langage européen dans ses formes d’expression culturelles. Un film finlandais ou une pièce de théâtre grecque nous semblent plus proches qu’une œuvre vietnamienne ou uruguayenne.

Chômage, absence de perspectives… Que peut réaliser la culture dans un tel climat ?

C’est précisément en temps de crise que les gens saisissent les offres culturelles proposées – et ce pour des raisons très différentes. La culture aide à donner une orientation, à clarifier les questions, elle permet aussi parfois d’oublier le quotidien – c’est beaucoup !

Héctor Abad, un écrivain colombien, exprimait récemment ses craintes que l’Europe ait perdu l’élan de ses jeunes années. Il y voit un risque que les populistes ne ramènent l’Union européenne aux cauchemars nationalistes. Est-ce là un regard que l’on jette typiquement « de l’extérieur » ?

Je ne considère pas l’Europe de l’extérieur puisque j’y suis plongé à Athènes. Mais le danger d’un retour au national est réel.

Comment ressentez-vous l’atmosphère dans votre pays hôte, la 
Grèce ? Comment y réagissez-vous avec vos programmes ?

Ces dernières années, la situation en Grèce s’est rapidement dégradée. Aussi et surtout dans les milieux artistiques indépendants avec lesquels le Goethe-Institut coopère depuis des années. Nous poursuivons ce travail. Mais une question préoccupe actuellement beaucoup plus les Grecs : faut-il rester ou partir ? Le Goethe-Institut thématise cette question. Avec notre programme, mais aussi avec une coopération concrète en matière d’éducation en soutenant le système de formation en alternance en Grèce. Et naturellement, certains Grecs s’inscrivent à nos cours. Mais nous n’avons pas de liste d’attente comme on l’affirme volontiers.

On parle souvent de ressentiment antiallemand dans la société grecque. Comment y réagit votre institut ?

Il faut considérer le ressentiment antiallemand en Grèce de manière différenciée. J’ai l’impression que les critiques envers l’Europe sont rapidement projetées sur l’Allemagne, ce qui est compréhensible en regard de notre histoire commune. Nous n’y réagissons pas explicitement. Notre tâche a toujours été de donner une image réaliste de l’Allemagne. Soixante ans d’une coopération réussie à Athènes nous aident à être perçus comme crédibles.

MATTHIAS MAKOWSKI est directeur régional et responsable du Goethe-Institut à Athènes. Avant d’arriver dans la capitale grecque, ce germaniste travailla entre autres à Prague et comme directeur de service au siège du Goethe-Institut à Munich.
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