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« Il ne peut y avoir d'impunité »

Faire face à un monde différent: l'ambassadeur Christoph Heusgen évoque les conséquences de ce changement d'époque.

Arnd Festerling , 13.02.2023
Destructions à Kiev suite aux attaques menées par la Russie
Destructions à Kiev suite aux attaques menées par la Russie © picture alliance / NurPhoto

La première Conférence sur la sécurité de la nouvelle époque dans laquelle nous avons basculé a lieu cette semaine : Qu'est-ce qui a changé ?
Depuis le 24 février 2022, le monde a changé. Le chancelier l'a bien compris dans son discours devant le Bundestag en février dernier, dans lequel il a parlé de « changement d'époque ». Lors de la dernière Conférence de Munich sur la sécurité, qui s'est tenue quelques jours avant le début de l'attaque russe, l'accent avait été mis sur les mesures pour empêcher cette guerre in extremis.

Cette année, nous devons nous demander de quelle manière continuer à tenir tête à cette attaque brutale contre l'ordre mondial, qui est régi par des règles strictes. Il s'agit d'une question de la plus haute importance, car de la réponse que nous donnerons dépend notre capacité à prévenir des situations comparables à l'avenir. Nous devons faire comprendre que le coût de cette rupture de civilisationnelle est exorbitant. Si nous ne le faisons pas, d'autres États qui remettent en cause leurs frontières actuelles en tireront les conclusions qui s'imposent. Nous pouvons voir le résultat chaque jour en Ukraine : des milliers de morts, une souffrances insupportable et des destructions inutiles.

Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité
Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité © picture alliance / Alexander SCHUHMANN_aI

Dans ce contexte, la lutte contre l'impunité est un sujet très important. Les crimes de guerre et le crime que constitue l'agression russe ne doivent pas rester sans conséquences. Nous avons donc besoin d'un tribunal spécial de l'ONU devant lequel Poutine et consorts pourront être poursuivis pour leurs crimes. Mais nous devons également mener cette lutte contre l'impunité avec plus de vigueur dans d'autres pays. C'est pourquoi ce sujet occupera cette année une place importante sur la scène principale de notre conférence.

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L'UE, l'OTAN et le G7 sont unis aux côtés de l'Ukraine. Mais comment interpréter le fait que la réaction mondiale ne soit pas aussi homogène ?
Prendre une position commune revêt une importance capitale. Et ce qu'il s'agisse de sanctions contre la Russie, d'efforts pour trouver une solution diplomatique, de soutien économique à l'Ukraine ou de livraisons d'armes. Nous, les Européens, pouvons nous estimer heureux que les Américains, sous la direction de Joe Biden, aient été et soient toujours aussi fermement à nos côtés.

Mais il n'y a pas de front uni mondial contre Poutine. 35 pays se sont abstenus lors des votes de l'Assemblée générale de l'ONU qui ont conduit à la condamnation de l'agression russe. Les deux tiers de la population mondiale vivent dans des pays neutres ou pro-russes. Dans de nombreux pays d'Amérique du Sud, d'Afrique et d'Asie, les récits russes et chinois selon lesquels les États-Unis et l'OTAN sont responsables de cette horrible guerre trouvent une oreille. Beaucoup de pays ont l'impression que nous nous trouvons dans un nouveau conflit Est-Ouest, dont les pays du Sud global sont une fois de plus les victimes.

Nous devons nous opposer fermement à cette impression. Nous ne devons pas cesser d'expliquer qu'il ne s'agit pas d'un conflit Est-Ouest, mais d'une lutte entre les partisans et les adversaires de l'ordre mondial. Se ranger du côté des opposants, et donc contre les principes fondamentaux de l'ordre mondial, comme celui de la souveraineté territoriale, c'est se tirer une balle dans le pied. La neutralité ne doit pas être une option face à cette question fondamentale. Cela équivaut à de la non-assistance à personne en danger.

Nos amis américains ont fait preuve d'un grand leadership.
Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité

Le partenariat transatlantique est également au centre de la Conférence de Munich sur la sécurité cette année. Comment évaluez-vous les relations entre l'Europe et les États-Unis ?
Le partenariat transatlantique fait partie intégrante de l'ADN de la Conférence sur la sécurité de Munich depuis ses débuts. Celui-ci est d'autant plus important cette année. Je suis donc très heureux de la venue à Munich d'une délégation américaine de haute volée, la plus importante numériquement dans l'histoire de la Conférence. Nos amis américains ont fait preuve d'un grand leadership dans le cadre de la guerre en Ukraine. Leur soutien militaire à l'Ukraine est dix fois plus important que celui de l'Allemagne.

Mais ne nous trompons pas. La stratégie de sécurité américaine de l'an dernier ne cache pas que la Chine reste la menace numéro un pour les États-Unis, même si la Russie représente actuellement un danger imminent. On attend de plus en plus des Européens qu'ils assument davantage de responsabilités en Ukraine et, plus généralement, dans les régions voisines de l'Europe.

En parallèle, dans la perspective des prochaines élections américaines, le président Joe Biden fait face à une pression politique grandissante de s'affirmer davantage dans ce domaine.

Il va être de plus en plus difficile d'expliquer pourquoi les Allemands, malgré des promesses répétées, n'atteignent toujours pas les deux pour cent du PIB fixés par l'OTAN pour les dépenses en matière de Défense. Si une administration américaine moins pro-européenne prend ses fonctions, nous ne pouvons pas compter sur le fait que les Américains seront toujours là, comme cela a par exemple été le cas dernièrement lorsque le gouvernement allemand a demandé à ce que des chars de combat Leopard soient livrés à l'Ukraine. De telles attentes seront de plus en plus mal perçues à Washington.

Nous devons former de nouvelles alliances.
Christoph Heusgen, président de la Conférence de Munich sur la sécurité

Quels sont les défis que pose la politique de Pékin à Taïwan à l'Allemagne et à l'Europe ?
Lors du dernier congrès du Parti communiste chinois, le président chinois Xi Jinping a officiellement déclaré qu'il souhaitait annexer Taïwan par la force militaire si nécessaire. Au regard de ce qui se

passe actuellement à Hong Kong et en mer de Chine méridionale, force est de constater que Pékin est prêt à bafouer les accords internationaux. Aux États-Unis, on se prépare activement à une éventuelle annexion de Taïwan. Le président Joe Biden a déjà déclaré qu'il soutiendrait Taiwan sur un plan militaire si la situation se présente. Nous, Européens, serions aux côtés des Américains, mais nous n'avons pas la capacité de jouer un rôle militaire de grande envergure dans un tel conflit et dans cette région.

Les conséquences économiques seraient très lourdes pour nous. Nous devons nous y préparer en réduisant les dépendances économiques unilatérales. C'est une leçon que nous avons tiré de notre relation avec la Russie. Nous ne devons plus nous rendre aussi vulnérables face au chantage. Ce que le pétrole et le gaz ont été pour la Russie, sont notamment les terres rares et les cellules photovoltaïques pour la Chine. Nous devons donc former de nouvelles alliances afin d'éviter que la transition vers une économie verte, si essentielle, que nous avons entamée, ne nous rende vulnérables ailleurs.

 


L'ambassadeur Christoph Heusgen préside la Conférence de Munich sur la sécurité depuis 2022. Ce diplomate faisait partie des conseillers de la chancelière allemande Angela Merkel depuis 2005. De 2017 à 2021, il a été représentant permanent de l'Allemagne auprès de l'ONU et a présidé à ce titre le Conseil de sécurité de l'ONU en avril 2018 et en juillet 2020. La Conférence de Munich sur la sécurité est le rassemblement informel le plus important au monde en matière de politique de sécurité.

© www.deutschland.de 

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