Aller au contenu principal

« Un forum extrêmement important »

Quatre questions sur le sommet du G20 à Hangzhou, en Chine, posées au Professeur Amrita Narlikar, présidente du GIGA, le German Institute of Global and Area Studies.

01.09.2016
© Frank Eberhard/GIGA - Amrita Narlikar

Professeur Narlikar, les représentants du G20 se rencontrent les 4 et 5 septembre en Chine. Les demandes envers une politique d’ordre mondial sont toujours plus fortes et on se demande si le G20 est en la matière un forum adéquat.

A mon avis, le G20 est même un forum extrêmement important car il facilite la coopération au niveau global. Pour trouver des solutions aux problèmes complexes de notre époque, les chefs d’Etat et de gouvernement des plus grandes économies dans le monde doivent se rencontrer régulièrement, c’est indispensable. On a vu par exemple l’importance du G20 pendant la crise financière de 2008. Cette crise aurait pu déboucher sur une crise économique mondiale, comme ce fut le cas en 1929 : à la suite de la « grande dépression », les turbulences économiques ont duré pendant toutes les années 1930. L’une des grandes raisons expliquant pourquoi cela n’a pas été le cas cette fois est l’existence du G20. Il offre aux plus grandes économies dans le monde un forum adéquat pour se rencontrer, coordonner ses actions, améliorer la surveillance des marchés financiers, réformer le secteur des services financiers et, surtout, pour éviter toute forme de politique protectionniste qui a largement aggravé la crise économique mondiale en 1929.

Quels sont les grands thèmes actuels ?

Aujourd’hui encore, l’économie mondiale est confrontée à de très grands défis – avec par exemple les négociations bloquées de l’Organisation mondiale du commerce dans le cadre du round de Doha. Ou bien aux critiques de plus en plus marquées envers le commerce mondial, critiques qui reflètent un refus croissant de la globalisation ; elles touchent une économie nationale après l’autre et cela malgré le fait que les statistiques indiquent que le bénéfice de la mondialisation est évident dans tous les pays. A mon avis, le Brexit est également un retour de pendule de la globalisation. La crise des réfugiés a été assumée pour une large part par l’Europe mais c’est un thème global qui demande une solution globale. Ce sont là des problèmes graves. Aucun pays ne veut ni ne peut les résoudre seul. Et c’est précisément la raison pour laquelle les chefs d’Etat et de gouvernement des économies ayant une importance systémique – le groupe des plus grands pays industrialisés et émergents – doivent se rencontrer pour élaborer des solutions praticables.

J’estime néanmoins qu’il faut tenir compte de deux réserves. La première est que le G20 est souvent perçu –à tort – comme un ersatz pour des organisations internationales comme les Nations Unies, l’Organisation mondiale du commerce ou le Fonds monétaire international. Ce n’est nullement le cas et ne devrait jamais le devenir. Des malentendus de ce genre risquent de faire naître des attentes injustes envers le G20 et de lui attribuer un mandat pratiquement impossible à remplir. En outre, on peut également s’interroger sur sa légitimité et son obligation de rendre compte. Le G20 n’est pas une organisation internationale. Mais, avec les propositions qu’il élabore et diffuse, il peut définir des priorités sur lesquelles les organisations internationales compétentes peuvent éventuellement négocier un consensus valable.

Deuxièmement : le G20 est un forum où se rencontrent les plus hauts responsables des plus grandes économies dans le monde. Mais il est plus encore. D’autres processus lui sont rattachés, comme le T20, le groupe des think tanks et des instituts de recherche des pays du G20, et le C20, qui se compose des représentants de la société civile. Ils représentent des ressources potentiellement précieuses auxquelles le G20 peut avoir recours. Ce sont en outre des canaux de communication par lesquels les chefs d’Etat et de gouvernement peuvent entrer en contact avec les différentes parties concernées. Bien utilisés, ils apportent d’une part des idées novatrices dans la lutte contre les problèmes internationaux et, d’autres part, ils sont source de légitimité et de participation aux solutions. Pour que le G20 puisse exploiter tout son potentiel, des mécanismes rétroactifs efficaces sont indispensables entre les plus hauts responsables et les autres acteurs du processus.

Les intérêts des pays industrialisés et des pays émergents ne sont pas systématiquement les mêmes. Comment peut-on les concilier ?

Cela dépend de la nature du problème. Tous les thèmes n’aboutissent pas à un jeu à somme nulle, c’est-à-dire que le bénéfice des pays industrialisés n’est pas nécessairement obtenu au détriment des pays en développement ou vice-versa. On peut aussi élaborer des stratégies de négociation et des structures payoff qui transforment les jeux à somme nulle en jeux à somme positive. Et, parfois, il est important de reconnaître et de tenir compte des critères de k.o.: il existe sur certains sujets un conflit tellement profond, tellement fondamental, qu’on ne peut combler le fossé ni obtenir un accord, si bien que les  négociateurs doivent alors décider si le sujet en question sera mis à l’ordre du jour. Mais heureusement, nombre des problèmes sur lesquels le G20 se penche n’appartiennent pas à la troisième catégorie des conflits fondamentaux mais aux deux premières. Et, sur les sujets de ces deux catégories – comme le commerce, la surveillance des marchés financiers, le ralentissement du changement climatique et de son impact, le développement durable –, il devrait être vraiment possible de parvenir à un accord entre les pays économiquement puissants et les pays émergents, surtout dans un environnement comme le G20.

Quel est à votre avis le rôle de l’Allemagne dans ce processus international ?

L’Allemagne peut et devrait jouer ici un rôle clé. Le prochain sommet du G20 se déroulera en 2017 à Hambourg ; cela signifie que l’Allemagne doit d’ores et déjà contribuer activement à l’établissement de l’agenda pour le sommet en Chine et planifier l’approfondissement des sujets traités lors du sommet de Hambourg et des futures rencontres au sommet. Je pense que l’Allemagne vient à la table des négociations avec des références très convaincantes. Elle n’a pas seulement une économie importante, elle a aussi une réputation justifiée de négociateur efficace et fiable – comme on l’a vu dans son rôle lors des négociations avec l’Iran. En outre, de grandes chances apparaissent, par exemple l‘agenda 2030 sur le développement durable. C’est un sujet qui intéresse l’Allemagne et pour lequel elle s’engage depuis longtemps. Il ne fait aucun doute que l’Allemagne peut avoir des effets positifs dans le cadre du processus du G20 et c’est d’autant plus important que le monde a actuellement un fort besoin d’initiative et de leadership tels que ceux de l’Allemagne.

Sommet du G20 les 4 et 5 septembre 2016 à Hangzhou, en Chine 

www.giga-hamburg.de

© www.deutschland.de