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« Une Allemagne unie qui poursuit sa fusion »

Le ministre-président de Thuringe Bodo Ramelow est, en tant que président du Bundesrat, l’hôte de la célébration nationale de la Journée de l’unité allemande.

Carsten Hauptmeier, 29.09.2022
Bodo Ramelow, le ministre-président de la Thuringe
Bodo Ramelow, le ministre-président de la Thuringe © Landesregierung Thüringen

Cette année, la célébration officielle de la Journée de l’unité allemande le 3 octobre se déroule en Thuringe. Le ministre-président Bodo Ramelow en est l’hôte en tant qu’actuel président du Bundesrat, la Chambre des Länder. Il parle du fédéralisme en Allemagne, de ses expériences en Allemagne de l’est et de l’ouest et d’une solidarité vivante.

M. le ministre-président, le fait que la célébration de l’unité se déroule chaque année dans un autre Land et pas toujours dans la capitale allemande est-il aussi un signal international ?

Ce qui est agréable cette année, en tant que président du Bundesrat, c’est aussi que je peux représenter les Länder allemands à l’étranger. On s’y étonne souvent de la signification du fédéralisme en Allemagne. Le partage du pouvoir entre la Fédération et les Länder avec deux Chambres est assez unique dans le monde. Le Bundesrat représente les 16 Länder. Quelles que soient les différences entre les régions, un fédéralisme à égalité de droits pourrait offrir à d’autres pays de bonnes opportunités pour résoudre les conflits car la responsabilité est partagée.

Quel est le grand message de la Thuringe pour la célébration de l’unité cette année ?

Mon credo a été d’emblée : se rapprocher pour fusionner. Nous voulons montrer ce qu’apporte la Thuringe et ce qu’elle peut encore apporter afin que l’Allemagne unie poursuive sa fusion. Il y a 32 ans, je suis venu de l’ouest de l’Allemagne en Thuringe, à l’est de l’Allemagne. Une partie de la famille de mon père y vivait, j’étais déjà souvent venu dans l’ex-RDA à titre privé mais ce n’est qu’en 1990 que j’ai constaté que je n’avais rien compris à la vie dans cette partie de l’Allemagne. Nous parlions la même langue mais avions été socialisés très différemment.

Comment avez-vous vécu personnellement la période allant de la chute du Mur le 9 novembre 1989 à la réunification le 3 octobre 1990 ?

Je n’ai pas eu le temps de beaucoup réfléchir. Je suis venu à Erfurt en février 1990 en tant que secrétaire syndical et ai travaillé 7/24 h pendant les premiers mois. A l’époque, les gens avaient de nombreux soucis : que va devenir ma famille, mon entreprise, que va-t-il se passer ? J’ai écouté et j’ai tenté de trouver des solutions.

Les gens abordaient l’unité allemande avec curiosité et confiance dans l’avenir mais l’époque remettait aussi toute leur vie passée en question. Les changements allaient des documents personnels à la caisse d’assurance-maladie, de l’emploi à la retraite. Les Allemands à l’ouest ne peuvent pas imaginer ce que cela signifie. C’est l’expérience collective des habitants de l’est de l’Allemagne, que l’on ait aimé ou détesté la RDA.

Y a-t-il encore des différences entre l’Allemagne de l’ouest et de l’est ?

La République fédérale à l’ouest, dont je viens, n’existe plus, elle non plus. Mais cela a été un lent processus. Il n’est pas associé à un jour particulier comme le 9 novembre 1989 lorsque le Mur est tombé ou au 3 octobre 1990, la Journée de l’unité allemande. C’est une différence significative entre l’est et l’ouest.

Ce souvenir collectif de la RDA perdure et il est transmis aux enfants. Prenons l’exemple de la cérémonie d’initiation civique. A l’est, où 75 % des habitants sont sans confession, on la célèbre toujours. A l’ouest, il y a la communion et la confirmation à l’église. Ou encore l’infirmière communale dans l’ex-RDA. Elle s’occupait de soigner les habitants dans les villages. Nous soutenons à nouveau ce type d’infirmière communale. Il y a des choses de l’époque de la RDA qui nous aideraient dans toute l’Allemagne. Mais ce n’est pas une glorification de la RDA.

La réunification allemande remonte à 32 ans. Où en sont aujourd’hui les Länder de l’est et comment jugez-vous l’état de l’unité allemande ?

Economiquement parlant, l’Allemagne de l’est est aujourd’hui dans une bonne position. Si l’on ajoutait les réalisations économiques des trois Länder que sont la Thuringe, la Saxe et la Saxe-Anhalt, cette région en Allemagne centrale se classerait à la onzième place dans les comparaisons avec les pays européens. Soixante leaders de leur marché dans le monde viennent de Thuringe, des fabricants de plinthes aux producteurs de tubes pour les appareils de radiologie. La moitié des bouteilles en verre en Allemagne sont produites en Thuringe. Le problème, c’est que personne ne sait que des entreprises de Thuringe sont leaders du marché mondial dans nombre de secteurs et que le monde entier utilise des produits fabriqués en Thuringe. Mais nous ne voulons pas nous plaindre, nous voulons au contraire faire prendre conscience des performances réalisées en Thuringe ces dernières décennies.

Nous voulons aussi montrer ce que la solidarité signifie. Un exemple datant de la réunification : aujourd’hui, nous admirons la vieille ville d’Erfurt, la capitale de la Thuringe. Or, il y a 32 ans, celle-ci était sur le point de s’écrouler. A l’époque, 1000 toits de la ville ont été couverts grâce à un programme lancé par la Hesse, à l’ouest. Nous avons besoin d’un mélange de reconnaissance et d’hommage pour les réalisations afin de nous rencontrer avec un respect mutuel.   

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