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Étudier les zoonoses – Promouvoir la santé

Les zoonoses ne sont pas seulement depuis la pandémie de coronavirus un sujet de préoccupation. Une association de chercheurs allemands et internationaux les étudie en Afrique de l’Ouest.

Ana Maria März, 04.12.2023
La destruction des espaces vitaux des animaux sauvages augmente le danger des zoonoses.
La destruction des espaces vitaux des animaux sauvages augmente le danger des zoonoses. © pictureAlliance/dpa

Garder ses distances, suivre les règles d’hygiène, porter un masque : Ces principes se retrouvent dans les règles (dites « règles AHA ») introduites en Allemagne pendant la pandémie de coronavirus. Pour le professeur Fabian Leendertz, elles ont depuis longtemps leur importance. Le médecin vétérinaire est responsable des questions de santé pour le Taï Chimpanzee Project (TCP) en Côte d’Ivoire. Depuis presque 45 ans, le projet étudie la biologie des chimpanzés au Parc national de Taï. Dr. Roman Wittig, directeur d’études à l’Institut des Sciences Cognitives du CNRS à Lyon et collaborateur à l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionniste à Leipzig dirige ce projet. Le TCP est arrivé à l’institut quand le chercheur comportementaliste, le professeur Christophe Boesch, qui l’a fondé avec sa femme, est devenu directeur du département de primatologie à la fin des années 1990. C'est grâce à lui que Leendertz a rejoint le projet. Boesch lui a rapporté que de nombreux chimpanzés mourraient mais qu’il en ignorait la cause. En Côte d’Ivoire, Leendertz a étudié les origines de ces décès, en partenariat avec l’Institut Robert Koch (RKI).

Des succès dans la recherche sur les infections

D’un côté, il a rencontré des maladies respiratoires. « Il s’agissait d’agents infectieux humains qui étaient transmis aux animaux », déclare Leendertz qui a découvert des virus totalement inoffensifs pour les hommes mais pouvant être mortels pour les singes. Cela nous a secoué car les chercheurs comportementalistes sont là pour protéger les animaux et non pour les mettre en danger. » Toutefois, le TCP a pu montrer que l’effet protecteur des chercheurs, qui par exemple éloignent les braconniers, est plus important pour les chimpanzés que le danger qu’ils représentent. « De plus, nous avons pu montrer que l’on peut faire quelque chose contre le risque de transmission de la maladie », explique Leendertz. « En 2008, nous avons mis en place les règles AHA dans nos relations avec les chimpanzés. » Entre-temps, les mesures d’hygiène sont devenus la norme dans tous les projets réunissant les singes et les hommes. Par ailleurs, Leendertz a découvert chez les chimpanzés un agent infectieux de la fièvre charbonneuse qui présente également un danger pour l’homme.

Fabian Leendertz est chargé des questions de santé pour le Taï Chimpanzee Project (TCP) en Côte d’Ivoire.
Fabian Leendertz est chargé des questions de santé pour le Taï Chimpanzee Project (TCP) en Côte d’Ivoire. © HIOH/JohannaEberhard

Quels dangers proviennent des zoonoses ?

Les zoonoses sont des maladies infectieuses qui peuvent être provoquées par des bactéries, des parasites, des protéines infectieuses, des champignons ou des virus et se transmettent des animaux aux hommes et inversement. Le SIDA, la maladie de Lyme, Ebola, la rougeole, la grippe aviaire, la fièvre du Nil occidental ou le virus Zika : la liste est longue. Le Covid-19 en fait également partie et a fait récemment la preuve que beaucoup de zoonoses ont la capacité de déclencher des pandémies. Lors du TCP, les règles AHA ont permis d’empêcher que les chimpanzés ne soient touchés par SARS-CoV-2, selon Leendertz.

La coopération internationale au Parc national de Taï

En plus des chercheurs comportementalistes, un à deux médecins vétérinaires sont constamment dans le Parc national de Taï. La gestion du projet TCP en Côte d'Ivoire passe par le Centre Suisse de Recherches Scientifiques à Abidjan. Les collaborateurs locaux des villages environnants enregistrent les données comportementales des chimpanzés et signalent tout ce qu’ils constatent concernant la santé des animaux. Des étudiants internationaux, des doctorants et laboratoires ivoiriens ainsi que l’hôpital universitaire de Bouaké ont également contribué aux découvertes importantes faites par les chercheurs pendant ces années. « Le projet nous a montré que nous, les hommes, sommes un important réservoir d’agents infectieux pour les espèces menacées telles que les chimpanzés », explique Leendertz. Mais pour lui, les singes, qui sont génétiquement très proches de l'homme, ont aussi une fonction d'indicateur. « Tout ce qui rend un chimpanzé malade ou qui le tue est probablement un agent infectieux également pour nous, les hommes. »

Quel est le lien entre la santé de l’homme et de l’environnement ?

Le fait que la santé de l'homme, celle de l'animal et de l'environnement soient étroitement liées se retrouve dans l’approche interdisciplinaire One Health. Leendertz qui a longtemps travaillé au RKI est depuis 2021 directeur fondateur de l’Institut Helmholtz pour One Health à Greifswald et professeur pour One Health à l’université de la même ville. Le fait que l’homme gagne de plus en plus de terrain dans l’espace vital des animaux, peut favoriser la diffusion des zoonoses. « La collaboration étroite avec des anthropologues et les communautés sur place contribuent également à la prévention afin de montrer, en se basant sur les données que nous collectons, où se trouvent les risques. » Leendertz sait aussi qu’il faut du tact quand il s’agit d’aborder des thématiques telles que la chasse traditionnelle pratiquée depuis des générations.

L’engagement pour la biodiversité et contre les zoonoses

Notamment la chasse commerciale de « viande de brousse » qui désigne tous les animaux sauvages comestibles représente un problème. Elle n’a rien à voir avec la chasse traditionnelle pour répondre à des besoins propres. Les protecteurs des animaux reconnaissent également le danger du commerce d’animaux sauvages. « Cela affaiblit la biodiversité, la santé des animaux et ainsi la résilience de nombreux espaces vitaux », explique Robert Kless, directeur régional Allemagne du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW). Il voit dans cette pratique une cause de diffusion des zoonoses. « L’Homme avance de plus en plus dans les espaces vitaux d’animaux sauvages et les détruit. Que ce soit pour collecter des ressources, par exemple déboiser des forêts, pour obtenir de la viande ou des trophées d’animaux sauvages. » La pandémie de coronavirus a fait prendre conscience aux politiques européens des dangers du commerce d’animaux sauvages. « Cette sensibilité ne doit pas disparaître », explique Kless.