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Humour sans frontières

Le comédien vedette Bülent Ceylan n’aime pas les généralisations, mais il fait grand cas du lien que tisse l’humour.

17.01.2014
© Luigi Toscano - Bülent Ceylan

Le manque d’humour est l’une des signes distinctifs souvent attribué aux Allemands par les étrangers qui le considèrent comme typique. Il est probable que plus personne ne sait comment cela s’est fait. L’époque où nous, c’est-à-dire notre nation tout entière, a été perçue comme étant plutôt agressive y est certainement pour quelque chose. Mais le cas que je fais en principe de ces généralisations, je le mets en évidence dans mes programmes d’émissions humoristiques. C’est: aucun !

Un homme en culotte de peau avec des jambonneaux, de la choucroute et une chope, cela nous caractérise aussi dans le monde entier, sans que ce soit – Dieu merci – typiquement allemand. Chez moi, à Mannheim, si l’on en voyait un, on se ferait vraiment du souci ! C’est que cette classification est plutôt arbitraire, ayant le statut de caricature.

Certes, rire est bon pour la santé et la manière dont nous produisons ce rire est toujours légitime, quoi qu’il recèle. La blague ne doit pas toujours avoir un sens profond pour qu’on en rie ; quand on se moque de quelque chose ou qu’on trouve quelque chose amusant, cela ne doit pas toujours avoir un sens. Le meilleur exemple que je citerai sont les jours de carnaval en Allemagne. La « cinquième saison », la période de carnaval, et ce tout particulièrement en Rhénanie, fait naître plus qu’un sourire sur les lèvres des gens pendant plusieurs jours ; ils partagent leur gaieté et en viennent à oublier leur quotidien et leurs soucis. C’est en cela que l’humour est, de toute façon, un des remédes les plus sûrs.

Tant qu’on aura besoin de trucs qui nous font rire, qui nous égayent particulièrement pour un petit moment, l’humour jouera un rôle important dans la vie de chacun de nous. La vie consiste à donner et à recevoir et si certains aiment qu’on les fasse rire, il faut bien qu’il y en ait d’autres qui leur procurent ce plaisir. Les uns le font sur leur lieu de travail, dans leur famille ou chez des amis, d’autres ont été dotés d’un talent tel qu’ils montent sur scène pour gagner leur vie. Actuellement, ces derniers sont très nombreux en Allemagne. En outre, la présence d’émissions 
humoristiques et de cabaret dans tous les médias de communication, la longue tradition d’humoristes de la vieille école, les comédies de boulevard sur les planches allemandes ainsi que les 
possibilités de diffuser plus largement, par le biais des médias sociaux, les vidéos montrant des pannes, tout cela s’est traduit, ces dernières années, par une augmentation considérable du nombre des impulsions personnelles et humoristiques. En Allemagne, les gens sont habitués à trouver de tous côtés quelque chose qui les fasse rire, à condition de le vouloir.

Nous le vivons quotidiennement dans les nuances les plus variées et aux niveaux les plus divers. Nous trouverons donc sans cesse quelque chose qui nous fera rire ou sourire, même si d’autres rient à gorge déployée de la même plaisanterie ; nous continuerons à nous raconter les blagues que nous aimons particulièrement, même si d’autres les trouvent stupides. L’humour est toujours individuel et il est fonction de notre développement personnel. Il est rare que tout le monde apprécie exactement le même gag. C’est ce que je constate, moi aussi, lorsque je crée mes propres programmes.

Ceci vaut où que je sois et indépendamment du contexte dans lequel je me trouve. Tout comme un arc-en-ciel fait naître un « Oh » sur les lèvres d’un vieux grincheux, l’humour peut dépasser de loin tous les préjugés et unir les gens en estompant toutes les différences dues à leur origine. Comme le fait la musique ou le sourire d’un bébé. Au-delà des frontières ! ▪

Bülent Ceylan compte parmi les comédiens allemands qui ont le plus de succès. Né en 1976 à Mannheim de mère allemande et de père turc, son programme humoristique fait aujourd’hui salle comble dans les tout grands halls événementiels. Il interprète toutes sortes de rôles dont l’un de ses favoris est celui du concierge toujours mal luné « Mompfreed » (Manfred), et il démasque avec beaucoup de charme et d’esprit les préjugés et les clichés allemands et turcs. Sans compter que personne ne parle mieux que lui le dialecte monotone de Mannheim.