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Sur la route avec un tribunal mobile

La juriste Sabine Arnold s’est engagée dans la mission de l’ONU au Soudan du Sud. Elle a aidé ce jeune État à renforcer son système juridique.

Friederike BauerFriederike Bauer, 19.06.2023
Sabine Arnold avec ses collègues sud-soudanais
Sabine Arnold avec ses collègues sud-soudanais © privat

« Une expérience sensationnelle », c’est par ces mots que l’avocate Sabine Arnold résume son engagement au Soudan du Sud. Elle est à peine rentrée à Hambourg, après un an et demi passé dans le pays d’Afrique centrale, et l’enthousiasme n’est pas encore retombé. Selon la femme de 38 ans, conseillère juridique auprès de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), c’était une période particulièrement inspirante. Et qui a permis d’aider la population du Soudan du Sud : « Grâce à la présence de troupes de maintien de la paix de l’ONU , les communautés au Soudan du Sud se sentent davantage en sécurité que dans les territoires où moins de troupes sont déployées », rapporte l’avocat sud-soudanaise Andiro Gaaro.

Sabine Arnold s’entretient avec une jeune femme
Sabine Arnold s’entretient avec une jeune femme © privat

Toutefois, la vie quotidienne est loin d’être facile. Le Soudan du Sud est un pays agité. Cet État d’environ une dizaine d’années, qui n’a obtenu son indépendance du Soudan qu’en 2011, sombre régulièrement dans les conflits internes et les luttes fratricides. Entre 2013 et 2018, une guerre civile a eu lieu entre les partisans du président et ceux du vice-président. Sous la pression de l’Union africaine, les deux parties se sont dites prêtes à entamer des pourparlers qui se sont soldés par la conclusion d’un accord de paix en 2018. Malgré cela, des combats éclatent régulièrement et la crainte d'une nouvelle guerre civile, associée à des violations massives des droits de l'Homme, est grande.

Une mission plusieurs fois élargie

Depuis la création de l’État, les Nations Unies ont accompagné le développement au Soudan du Sud avec la MINUSS. En réaction aux troubles, la mission a été plusieurs fois élargie. Désormais, elle est avec 15 000 forces déployées la deuxième plus grande opération de l’ONU après la Mission pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Elle a trois objectifs fondamentaux : consolider la paix, protéger la population civile, construire et renforcer le système juridique.

En tant que juriste et avocate, Sabine Arnold contribue notamment à ce dernier objectif. C’est en novembre 2021 qu’elle a pris ses fonctions comme conseillère juridique allemande sous le mandat des Nations Unies. Elle a passé six mois dans la capitale Djouba. Ensuite, elle a travaillé plusieurs centaines kilomètres au nord, d’abord à Aweil puis à Kuajok. Les deux villes sont des capitales régionales, l’une est plutôt sèche et l’autre plus verte car située sur la rivière Jur.

Comme tous les membres de l’ONU, Sabine Arnold vivait elle aussi dans un compound, c’est-à-dire un village de conteneurs fermé et surveillé. Dans ce quartier, 25 mètres carrés sont disponibles pour chaque personne et le soir, le couvre-feu est instauré. Pour toutes les personnes sur place, il est clair que « la situation peut dégénérer à tout moment ». Il faut donc bien respecter les mesures de sécurité : Ne jamais se trouver seul dans une voiture, au moins deux voitures doivent former une colonne pour tous les trajets, il faut toujours avoir le téléphone par satellite.

Toutefois, Arnold n’a aucun regret concernant son expérience en Afrique. Elle a pu faire bouger les choses pour soutenir, au moins sur certains points, un jeune État qui avance vers la prééminence du droit. Ainsi, elle a parcouru le pays pendant plusieurs semaines avec un tribunal mobile, dans ce pays où jusqu’à présent la justice était rendue seulement par les plus anciens de la tribu.

Connaître le droit pénal du Soudan du Sud

C’est la raison pour laquelle le ministère de la Justice à Djouba met régulièrement en place des tribunaux qui se déplacent et mènent des procès sous des tentes. Ils sont soutenus par l’ONU, que ce soit financièrement ou en terme d’effectifs. Sabine Arnold s’y est illustrée à titre de procureure internationale. Différentes accusations ont été soumises au tribunal, du simple vol aux actes de violence et meurtres. Le rôle d’Arnold était de soutenir et conseiller les juristes du pays. Pour cela, elle a dû compter sur sa connaissance approfondie du droit général, mais aussi apprendre le droit pénal sud-soudanais. Elle s’est approprié cette compétence spéciale avec le temps. « Pour moi en tant qu’avocate sud-soudanaise, la collaboration avec les spécialistes venus d’Allemagne est vraiment passionnante et avantageuse » explique l’avocat sud-soudanaise Gaaro, « car les compétences qu’ils apportent nous ont beaucoup aidés à avancer sur notre chemin. C’est particulièrement le cas avec Sabine qui a travaillé comme procureure générale et juge avant de rejoindre la MINUSS. »

Sabine Arnold a été impressionnée de voir « comment les personnes réagissent à ce genre de juridiction, comment après des débuts hésitants ils l’ont acceptée et fortement sollicitée. » Car les jugements de ce tribunal sont valables dans l’ensemble du pays, contrairement à ceux des chefs locaux.

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Arnold a également développé des formations pour juristes et forces de sécurité et pris part aux dialogues de réconciliation. La plus grande difficulté résidait dans le fait de rencontrer des personnes qui ne savaient ni lire ni écrire. Elle a dû donc passer en peu de temps d’une présentation préparée avec PowerPoint à une discussion à même le sol sous un arbre, c’est-à-dire toujours faire preuve de flexibilité.

De retour à son bureau à Hambourg, Arnold continue de travailler sur les procédures à caractère transfrontalier. Cela correspond à son profil international. Déjà pendant ses études de droit, elle avait choisi un double cursus franco-allemand. Son expérience au Soudan du Sud, confie Arnold, n’est certainement pas son dernier séjour à l’étranger.