Martin Luther, le réformateur
Martin Luther et la Réforme marquent aujourd’hui encore la société allemande.
Il y a par exemple l’histoire du pommier : « Si je savais que le monde va disparaître demain, je planterais un pommier dès aujourd’hui », aurait dit Martin Luther. Ce n’est que l’une des nombreuses légendes courant sur le réformateur qui, malgré l’absence de preuves, sont volontiers transmises. Car peu importe que Luther, passionné par la nature, ait prononcé ces mots ou pas. L’important, c’est qu’ils montrent combien ils ont marqué la société allemande. Les chercheurs supposent que cette légende a été attribuée au réformateur après la Seconde Guerre mondiale. Les gens se rappelaient Luther lorsqu’ils oscillaient entre confiance et désespoir. Cinq cents ans après la publication de ses 95 thèses, il est à nouveau temps de se pencher sur cette personnalité pour prendre conscience de l’impact que sa vie et son action ont encore aujourd’hui.
Qui était Martin Luther ?
Martin Luther est né en 1483 à Eisleben et entra au couvent des Augustins à Erfurt en 1505. Fervent chrétien, Luther était un intellectuel versé en théologie. Il doutait toujours plus de la doctrine de l’Église. Pourquoi pouvait-on acheter le salut de son âme avec de l’argent ? Pourquoi la parole du pape comptait-elle plus que la Bible ? En 1517, Luther, alors professeur de théologie, publia ses 95 thèses critiquant l’Église. Il fut exclu de l’Église au début de l’an 1521 et devait renier son enseignement devant l’empereur Charles V à la Diète de Worms : Luther refusa de se désavouer. Il était déjà – grâce aussi à l’invention de l’imprimerie à lettres mobiles – l’auteur d’un best-seller à l’époque. Il se cacha au château de la Wartburg où il traduisit le Nouveau Testament en allemand. Le peuple et nombre de princes reprirent son enseignement. Un point spécifique chez Luther était son rapport aux juifs. Il espéra tout d’abord pouvoir les « convertir » avant de devenir un antisémite virulent. Il épousa en 1525 la nonne Katharina von Bora et décéda en 1546 à Eisleben.
Que signifie la Réforme ?
La Réforme était un mouvement destiné à renouveler l’Église qui toucha presque toute l’Europe et divisa la chrétienté occidentale en catholiques et protestants, Elle marqua un renouveau ayant maints aspects : alors que Luther et son enseignement dominaient en Allemagne, en Scandinavie et dans les pays baltes, ce sont les idées de réformateurs comme Johannes Calvin (France et Suisse) et Ulrich Zwingli (Suisse) qui donnèrent naissance à la confession dite réformée. En Angleterre, une Église nationale protestante apparut avec l’anglicanisme. Tous les protestants partageaient le refus de l’Église papale de l’époque, une forte orientation sur la Bible et la « doctrine de la grâce » : l’homme obtient son salut par la grâce de Dieu et non par ses actes. Une grande étape de la Réforme fut la publication des 95 thèses de Martin Luther en 1517, thèses dans lesquelles il s’attaquait surtout aux ventes de lettres d’indulgence par l’Église. Luther demandait que le croyant fasse preuve de repentir pour obtenir la rémission de ses péchés au lieu de l’acheter en argent sonnant et trébuchant. Le conflit entre l’Église ancienne et les partisans du renouveau s’aggrava. Finalement, les nouvelles confessions se séparèrent du catholicisme – une frontière confessionnelle traversait désormais l’Europe. Cette division a entraîné la guerre de Trente ans, de 1618 à 1648, et établi deux cercles de mariage séparés car les noces entre les personnes aux confessions différentes étaient rares. Certains historiens et sociologues estiment que la mentalité protestante a favorisé le dynamisme économique moderne et que l’Europe catholique prit du retard.
Quelle est la différence avec le catholicisme ?
Les protestants se détournent de l’Église institutionnelle traditionnelle, ne s’attaquant pas seulement à la hiérarchie catholique avec le pape à sa tête. Les protestants partent d’un « sacerdoce de tous les croyants », c’est-à-dire que tout baptisé est directement relié à Dieu et n’a nul besoin de l’assistance d’un prêtre. Le catholicisme a repris partiellement cette doctrine au XXe siècle. Pour les protestants, la plus haute autorité est la parole de Jésus telle qu’on peut la recevoir dans la Bible alors que, dans le catholicisme, le pape et les conciles ont longtemps été plus importants. Une autre différence réside dans le nombre de sacrements. L’Église catholique en compte sept : le baptême, la confirmation, l’eucharistie (la communion), le sacrement de Pénitence, l’onction des malades, le sacrement de l’ordination et le mariage ; chez les protestants il n’y a plus essentiellement que le baptême et l’eucharistie. La signification de la communion est différente : chez les catholiques, le pain et le vin se transforment en corps et sang du Christ, alors que Jésus est simplement présent pour les luthériens. La communion n’est plus que la commémoration de la mort sacrificielle du Christ chez les protestants.
Les changements induits par la Réforme en Allemagne
La Réforme a eu un double impact en Allemagne. Tout d’abord, le pays a été divisé en deux confessions alors que, dans bien d’autres pays, une seule confession s’est imposée pour la majorité des habitants. Cette division en catholiques et protestants a longtemps dominé l’histoire allemande. Ensuite, par sa pensée et son action, le protestantisme a eu des conséquences importantes. Ainsi, la traduction de la Bible par Luther a contribué à une langue cultivée commune. Elle a aussi favorisé la culture du livre dans les régions protestantes. L’éducation moderne étant surtout une affaire de lecture, les régions protestantes étaient plus avancées au niveau éducatif, ce qui s’est ressenti jusqu’au XXe siècle. La situation était différente dans les arts plastiques. La religion catholique avait une culture de l’image alors que les images n’avaient guère d’importance dans les églises luthériennes et disparurent complètement dans l’Église réformée. Luther avait mis un fort accent sur la musique car il écrivait des chants d‘église et a composé de magnifiques chorals protestants. Le rapport entre le protestantisme et la liberté (politique) est un chapitre complexe. L’œuvre la plus souvent imprimée dans l’Allemagne du XVIe siècle était « De la liberté du chrétien », écrit par Luther et parlant surtout de liberté religieuse. Lorsque les paysans allemands se révoltèrent, combattant pour la liberté politique et invoquant Luther, celui-ci les condamna violemment. Des lignes mènent néanmoins de Luther et des autres réformateurs vers la liberté politique moderne. Avec la Bible comme autorité suprême, ils avaient attaqué la papauté, mais on pouvait aussi s’attaquer avec elle aux souverains séculiers. D’autre part, l’Église luthérienne s’est développée en étroite association avec les souverains, si bien qu’on associe parfois une soi-disant mentalité d’asservi allemande à Luther.
L’impact de la Réforme dans le monde
La Réforme a d’abord marqué le nord de l’Europe alors que le sud, la Pologne et la Lituanie restèrent largement catholiques. Le protestantisme est parti d’Europe vers le reste du monde. Quelque 400 millions de personnes dans le monde sont aujourd’hui membres des Églises protestantes. Les États-Unis ont été fortement marqués par différentes orientations évangéliques comme les baptistes, les adventistes ou les quakers. Cela déterminait la vie quotidienne mais aussi l’économie. Les protestants radicaux comme les évangélistes promeuvent aujourd’hui une politique extrêmement conservatrice. Actuellement, les évangélistes sont également actifs dans les pays largement catholiques d’Amérique du Sud. Il existe dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne une forte population protestante établie avec la colonisation européenne. Cela vaut par exemple pour le sud du continent avec l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, l’est avec la Tanzanie et l’Ouganda et l’ouest avec le Ghana. En Asie, il existe un nombre comparativement élevé de protestants, en Corée du Sud par exemple.