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Des fous rires didactiques

Des réfugiés expliquent dans deux séries de vidéos comment on trouve rapidement ses marques en Allemagne – et le comique naissant des différences entre Allemands et Syriens.

13.06.2017
© Peter Jelinek

Les distributeurs de billets de transport ont déjà désespéré certains voyageurs. Le billet tout compris est-il aussi valide pour la zone 5 ? Combien de stations sont comprises dans le billet court trajet ? Et le billet pour quatre trajets est-il vraiment utile pour moi ? Un Allemand qui veut utiliser les transports publics dans une autre ville que la sienne a souvent de la difficulté à comprendre le système. Et quand on n’est pas allemand, c’est encore plus dur. Deiaa Abdullah est sur le quai et doit demander de l’aide. Deiaa, originaire de Syrie, joue une scène de la série sur Youtube « « Lass uns lernen ! » de Rody Almahmoud. Avec ses vidéos, le réalisateur syrien veut aider les réfugiés à trouver leurs marques en Allemagne.

Almahmoud a tourné la scène au distributeur de billets de transport parce que c’est une situation qui pose au début des problèmes aux réfugiés. Il fait vivre nombre de ses situations quotidiennes à son personnage principal : comment s’inscrire à une caisse d’assurance-maladie, comment trouver un appartement, comment ouvrir un compte en banque ? Ce sont les situations auxquelles Deiaa est confronté. Avec ses films, Almahmoud aide les spectateurs à élargir leur vocabulaire et à améliorer leur grammaire. « Je voudrais aussi aider les gens à mieux comprendre la culture allemande et leur expliquer comment pensent les Allemands, dit-il. Cela permet de nouer des contacts plus facilement. »

Des dizaines de milliers de spectateurs

A son arrivée en Allemagne, ce réalisateur de 30 ans, qui vit à Cologne, trouvait particulièrement difficile de se faire des connaissances. C’est pourquoi il se mit rapidement à apprendre l’allemand à la Volkshochschule (VHS) et à aider au service d’orientation de cette organisation. Avec « Lass uns lernen ! », il souhaite aider les autres à atteindre les niveaux d’allemand B1 et B2. Et ils sont nombreux : avec le compte Youtube de Deiaa, qui aide aussi les réfugiés à apprendre l’allemand avec sa propre série, Almahmoud touche des dizaines de milliers de spectateurs avec chaque épisode.

Les deux Syriens Abdul Abbasi, 22 ans, et Allaa Faham, 20 ans, ont encore plus de succès avec leurs vidéos d’un genre différent. Sur leur compte Youtube German LifeStyle GLS , ils exagèrent dans leurs sketches les stéréotypes des Allemands et des Syriens, permettant avec humour de mieux se comprendre. « Si les gens ont peur de l’inconnu, nous devons trouver un moyen de surmonter cette peur pour permettre les échanges, dit Abdul Abbasi. L’humour est là un moyen simple et très efficace. »

Ils trouvent souvent les sujets de leurs vidéos dans la vie quotidienne. Le comique de leurs films naît souvent des différences culturelles entre les Allemands et les Syriens, que ce soit en flirtant, en se saluant ou en payant au restaurant. « En Syrie, il est d’usage qu’une personne paie l’addition pour tous et que l’on se dispute un peu pour déterminer qui le fait, dit Allaa Faham. En Allemagne, le serveur divise l’addition entre les convives. » Ils ont montré l’absurdité de certaines situations dans une vidéo amusante. Mais ils sont parfois plus pensifs, par exemple dans une vidéo où Faham s’adresse à des Allemands qui ont peur des réfugiés.

Leur approche est apparemment très appréciée. « Nous entendons souvent dire que les gens aiment que l’on se moque un peu des deux cultures », dit Abbasi. Et comme les vidéos sont tournées dans les deux langues, elles touchent aussi bien les Allemands que les Syriens. Aujourd’hui, Abbasi et Faham ont plus de 100.000 fans sur Facebook et reçoivent nombre de commentaires positifs : « Vous servez de médiateurs entre les deux cultures, vous unissez là où d’autres séparent. Chapeau ! »

Les deux stars Youtube ne sont pas seulement des médiateurs actifs sur le Net, ils s’engagent aussi dans des projets comme « Life back home » où ils racontent leur histoire individuelle dans les écoles allemandes : comment était la vie en Syrie avant la guerre civile, comment ils vivent aujourd’hui en Allemagne. Ils touchent ainsi surtout les jeunes avec leur message et leur mission : aller vers les autres – renoncer aux préjugés – vivre ensemble dans la paix. En 2016, Abbasi et Faham ont obtenu la médaille de l’intégration du gouvernement fédéral pour leur engagement en faveur de l’intégration.

De la patience des deux côtés

Malgré leur succès, les deux hommes préfèreraient ne pas avoir à tourner de nouveaux films. « Evidemment, ce serait génial si nous pouvions dire bientôt que nous en avons fini et que nos vidéos ne sont plus nécessaires, dit Allaa Faham. Mais je crois que les deux côtés doivent faire preuve de patience. » Alors ils continuent et partent en tournée en Allemagne avec leur programme pour la scène.

Professionnellement, les deux Syriens ont des objectifs différents. Abdul Abbasi veut devenir dentiste et étudie à Göttingen. Faham, étudiant en technique médicale, veut faire du film un métier – tout comme Rody Almahmoud. Ce dernier souhaite approcher de son but avec ses vidéos : trouver une formation ou un job dans le milieu du film. Rody Almahmoud réalise déjà tout ce qui est nécessaire pour faire un film : le tournage, le montage, la prise de son, le scénario. « Avec la série, je peux montrer ce que je sais faire », dit-il. Il a déjà reçu sa première commande : tourner un film pour promouvoir la VHS.