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Pro & Contra

Travailler moins, vivre plus sainement ?

L’auteure Sara Weber estime que la semaine de quatre jours est pertinente et réalisable. Le spécialiste en sciences du travail Veit Hartmann émet des doutes à ce sujet.

13.08.2025
Arbeit
© AdobeStock

Sara Weber
© Maya Claussen

Pro

« Les employés qui travaillent quatre jours par semaine sont moins stressés et moins souvent malades. »

Sara Weber est une auteure germano-américaine qui se consacre, entre autres, à l’avenir du travail.

Veit Hartmann
© ifaa

Contra

« La représentation idéale d’un week-end de trois jours est souvent irréalisable. »

Veit Hartmann est collaborateur scientifique à l’Institut des sciences appliquées du travail ifaa (Institut für angewandte Arbeitswissenschaft e.V.), à Düsseldorf.

La semaine de quatre jours rend-elle plus satisfait ?

Sara Weber

D’après des études, sans aucun doute : grâce à des données de différents pays, nous savons que les employés qui travaillent quatre jours par semaine sont moins stressés et moins souvent malades, alors que la productivité et le chiffre d’affaires des entreprises restent stables ou s’améliorent. L’important est qu’il s’agisse d’une véritable semaine de quatre jours, avec réduction du temps de travail hebdomadaire et un maintien intégral du salaire. Je préfère donc le terme de « temps plein réduit ».

Veit Hartmann

La satisfaction dépend des attentes des employés vis-à-vis d’un tel modèle et des possibilités à être réalisées. Dans un premier temps, il convient de réfléchir de manière objective aux avantages et inconvénients de chaque modèle et à la faisabilité de leur mise en œuvre. Dans bien des cas, il faudra renoncer à la représentation idéale d’un week-end de trois jours et d’une semaine de travail du lundi au jeudi ou du mardi au vendredi. Bien souvent, cela n’est pas possible d’un point de vue organisationnel, car si ce modèle est plébiscité par de nombreux employés, les entreprises ne sont pas en mesure de répondre à cette demande pour tous les salariés. 

La semaine de quatre jours améliore-t-elle l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ?

Sara Weber

Oui. Un temps plein réduit laisse plus de place à la vie privée, au-delà du travail. Les gens disposent de plus d’énergie et de temps pour leurs amis, leur famille, leurs loisirs et le sport. Par ailleurs, la semaine de quatre jours permet de répartir plus équitablement les charges domestiques, dans la mesure où les hommes s’occupent davantage des enfants et des tâches ménagères.

Veit Hartmann

Une semaine de quatre jours peut contribuer à améliorer l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des employés. Mais un jour de repos supplémentaire apporte-t-il vraiment la liberté espérée et est-il réellement mis à profit pour se ressourcer ? Ou faut-il plutôt s’attendre à des effets contraires, en raison d’un temps de travail sur quatre jours éventuellement condensé et plus long ? 

Une semaine de quatre jours nuirait-elle à la productivité ?

Sara Weber

Non, si elle est bien pensée. Il est important de mettre en place une nouvelle structure en collaboration avec les employés : quelles tâches peuvent être supprimées, quelles réunions peuvent être annulées ? Comment aménager des espaces pour travailler de manière concentrée ? Comment utiliser la technologie de manière à réduire la bureaucratie ? Comment réorganiser les équipes ? Cette planification est la première étape à franchir avant d’introduire une semaine de quatre jours profitable à toutes les parties concernées. 

Veit Hartmann

L’argumentation en faveur d’une semaine de quatre jours (en particulier pour le modèle prévoyant une durée hebdomadaire de travail réduite sans modification du salaire) repose souvent sur une augmentation de la productivité : cette hausse de la productivité est censée compenser la réduction du temps de travail hebdomadaire et légitimer ainsi le maintien du salaire. Cependant, les études et essais sur le terrain menés jusqu’à présent sur la semaine de quatre jours n’apportent que peu, ou pas de critères fiables pour mesurer la productivité. Les résultats relèvent plutôt de la perception subjective des employés et des supérieurs hiérarchiques, ne constituant donc pas une base fiable pour une évaluation. 

Pour maintenir notre niveau de vie, ne devrions-nous pas plutôt travailler davantage plutôt que moins ?

Sara Weber

Nous devons travailler de manière plus productive ; seulement, la productivité ne se mesure pas uniquement en fonction du temps. Une personne qui est reposée et qui organise son travail de manière pertinente peut s’avérer être plus productive. Nous savons de par l’histoire qu’une réduction générale du temps de travail est possible : dans les années 1960, l’introduction de la semaine de cinq jours n’a pas entraîné de baisse de la performance économique. 

Veit Hartmann

La question est de savoir si une société peut réellement se permettre de voir des services tels que les cinémas, les théâtres et les restaurants, mais aussi la police et les pompiers, ne plus être disponibles le vendredi, tout le monde profitant donc d’un long week-end. Et ce n’est pas tout : quelles répercussions aurait une interruption des chaînes d’exploitation et de processus, notamment quant aux ruptures d’approvisionnement ? Comment compenser ces pertes dans un contexte de déclin démographique et de pénurie de main-d’œuvre qualifiée ?

Une semaine de quatre jours est-elle applicable à tous les emplois ?

Sara Weber

Absolument ! Bien sûr, on ne peut pas fermer les entreprises un jour de plus partout, cela n’étant, d’ailleurs, pas non plus nécessaire. En effet, dans de nombreux emplois, les horaires de travail varient. Dans le secteur des soins, par exemple, la charge de travail est très élevée et on y travaille souvent par roulement. C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux employés travaillent à temps partiel et gagnent moins que dans d’autres secteurs. Une semaine de quatre jours avec maintien intégral du salaire protégerait la santé de ces travailleurs et pourrait atténuer la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, car les employés seraient moins souvent en arrêt maladie ou augmenteraient leur temps de travail pour atteindre le temps plein réduit. 

Veit Hartmann

Théoriquement, la semaine de quatre jours est envisageable dans de nombreux emplois et pourrait être mise en œuvre dans certaines entreprises. Aussi, certaines branches se prêtent mieux que d’autres à la mise en place d’une semaine de quatre jours. Au bout du compte, il reste à savoir s’il ne s’agit pas là, en réalité, seulement d’une question financière, étant donné que, dans le cadre des modèles de travail à temps partiel, différentes variantes de la semaine de quatre jours sont déjà possibles et inscrites dans la loi. Cela dit, le recours – timide – à ces modèles ne signifie pas pour autant qu’il s’agisse d’une solution.