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L’Allemagne reste un pays d’immigration – avec des règles claires

Le nouveau gouvernement fédéral veut nettement réduire la migration irrégulière, accélérer les procédures tout en misant sur la migration de main-d’œuvre ciblée. 

Wolf ZinnWolf Zinn, 29.08.2025
L’Allemagne est un pays d’immigration depuis des décennies.
L’Allemagne est un pays d’immigration depuis des décennies. © iStock

La migration fait partie intégrante de l’histoire de l’après-guerre allemande. Dans les années 1950 et 1960, les « travailleurs immigrés » débauchés d’Italie, de Turquie et de nombreux autres pays ont contribué de manière décisive à la prospérité croissante de l’Allemagne. Plus tard, l’accueil de personnes réfugiées des guerres des Balkans, du Proche-Orient ou d’Afrique a de plus en plus marqué la société. En 2024, 25,2 millions de personnes issues de la migration vivaient en Allemagne, sur une population totale d’environ 83 millions de personnes. 63 pour cent de toutes les personnes issues de la migration ont elles-mêmes immigré, près de 37 pour cent sont nées en Allemagne. 

Travailleurs immigrés turcs en 1961 à l’aéroport de Düsseldorf
Travailleurs immigrés turcs en 1961 à l’aéroport de Düsseldorf © picture-alliance / Wolfgang Hub

Comment l’Allemagne a-t-elle surmonté les défis de la migration ? 

L’été 2015 fait office de rupture : la chancelière allemande de l’époque, Angela Merkel ne ferma pas la frontière aux milliers de personnes réfugiées qui voulaient entrer en Allemagne en passant par la Hongrie. La phrase prononcée par Merkel dans ce contexte, aujourd’hui encore décriée, « Nous allons réussir » est devenue un symbole de la politique de l’ouverture – associée à un nombre de personnes réfugiées en nette croissance.  

La chancelière Angela Merkel et un réfugié en 2015
La chancelière Angela Merkel et un réfugié en 2015 © picture alliance / dpa

Aujourd’hui, dix ans après, une image nuancée s’affiche. D’un côté, l’Allemagne a effectivement réussi beaucoup de choses. La grande majorité des personnes réfugiées s’est intégrée, a appris l’allemand, a trouvé un logement et du travail. Environ un cinquième des personnes qui cherchaient une protection à l’époque, environ 180 000 personnes, ont aujourd’hui la citoyenneté allemande. Selon l’Institut de recherche sur le marché du travail et l’emploi (IAB), en 2024 environ 64 pour cent des personnes réfugiées arrivées en Allemagne en 2015 avaient un travail, beaucoup à des postes réguliers – un chiffre qui se situe donc juste en-dessous du taux d’emploi allemand de 70 pour cent. 

D’un autre côté, la migration croissante a entraîné d’énormes défis : une partie conséquente des personnes réfugiée vit des aides de l’État. Les communes, les autorités et les administrations se plaignent du manque de ressources et de la surcharge de travail. Dans de nombreuses écoles, la majorité des enfants sont issus de la migration et ont souvent peu de connaissances de l’allemand. 

La population porte un regard mitigé sur cette évolution. Dans les sondages, de nombreuses personnes estiment que la migration irrégulière massive est un fardeau et souhaitent qu’elle soit limitée de manière ordonnée. Tout le monde ne perçoit pas les différences culturelles au quotidien comme un enrichissement, certains se sentent même menacés et redoutent le manque d’intégration, l’augmentation de la criminalité et le risque terroriste. Dans le même temps, une majorité déclare être pour faciliter l’immigration légale de la main-d’œuvre qualifiée. Ainsi, la migration représente à la fois des inquiétudes et de l’espoir.

Quel cap prend le nouveau gouvernement fédéral en matière de politique migratoire ? 

Le gouvernement sous la direction du chancelier fédéral Friedrich Merz tire des leçons des expériences de la décennie passée. « L’Allemagne est un pays d’immigration. Ce fut le cas, c’est le cas et ça restera le cas », a souligné Merz, mais les conditions et règles doivent être durcies et clarifiées. Alexander Dobrindt, le ministre de l’Intérieur, résume l’approche : « Nous sommes un pays ouvert sur le monde. Les personnes qui veulent travailler chez nous en tant que main-d’œuvre qualifiée se voient offrir des perspectives sur la durée. Nous proposons une protection temporaire aux personnes poursuivies. Faire preuve d’humanité et d’ordre, c’est gérer et limiter dans la même mesure les afflux de personnes vers l’Allemagne. » 

Le ministre de l’Intérieur Alexander Dobrindt
Le ministre de l’Intérieur Alexander Dobrindt © picture alliance/dpa

Ce changement de cap se traduit par plusieurs modifications et projets politiques concrets :

  • les contrôles aux frontières et les refoulements doivent rester un instrument flexible, en concertation avec les voisins européens, jusqu’à ce que le nouveau régime d’asile européen commun et la protection des frontières extérieures de l’UE soient opérationnels.
  • Conformément à la volonté du gouvernement allemand, la liste des pays d’origine sûrs doit être élargie par décret (sans l’accord du Bundesrat, qui était jusqu’à présent nécessaire), dans un premier temps à l’Algérie, l’Inde, le Maroc et la Tunisie. Cette modification envisagée est actuellement encore en discussion au Bundestag.
  • Le regroupement familial des personnes bénéficiant d’une protection subsidiaire a été suspendu en juillet 2025 pour deux ans : cela concerne les membres de la famille des personnes qui ne remplissent pas tous les critères du statut de réfugié, ceux-ci ne pouvant toutefois pas être expulsés pour des raisons humanitaires.
  • Il est prévu que la « naturalisation express », acquise au bout de trois ans, soit supprimée. Elle devrait être remplacée par la possibilité de naturalisation des personnes qui vivent de manière durable et légale en Allemagne depuis au moins cinq ans. Le projet de loi en question est actuellement examiné par la commission des Affaires intérieures du Bundestag.
  • Les retours des demandeurs d’asile déboutés doivent être accélérés. Dès 2024, plus de 20 000 personnes ont été expulsées, soit nettement plus que les années précédentes. Les personnes délinquantes doivent être expulsées de manière conséquente.
  • Parallèlement, l’immigration légale de la main-d’œuvre qualifiée doit être renforcée : il est prévu qu’une « agence Work and Stay » centrale numérique accélère et simplifie les procédures.

Convention des Balkans occidentaux et responsabilité européenne 

Le « règlement des Balkans occidentaux » doit permettre aux ressortissants d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, du Kosovo, du Monténégro, de Macédoine du Nord et de Serbie de migrer légalement vers l’Allemagne pour y travailler et décharger ainsi le système d’asile. La nouvelle coalition envisage de réduire de moitié le contingent correspondant, pour le ramener à 25 000 personnes par an.

En outre, la dimension européenne joue un rôle central. La réforme du Régime d'asile européen commun (RAEC) prévoit à partir de 2026 une procédure uniforme aux frontières extérieures de l’UE – de l’enregistrement au renvoi en passant par les procédures rapides. Le gouvernement fédéral envisage aussi une « solution d’État tiers »dans le cadre de laquelle les procédures d’asile seraient transférées dans des pays non membres de l’UE. 

En résumé, le nouveau cap est synonyme de plus de protection des frontières extérieures, d’une coopération plus étroite avec les pays d’origine et de transit et de mesures plus strictes contre les passeurs. 

L’Allemagne a besoin de toute urgence de personnel qualifié international.
L’Allemagne a besoin de toute urgence de personnel qualifié international. © iStock / Annette Birkenfeld

Recherche urgente de main-d’œuvre qualifiée 

Malgré tous ses efforts déployés pour freiner la migration irrégulière, l’Allemagne reste tributaire de la migration légale de main-d’œuvre qualifiée. Le changement démographique renforce la pression : déjà aujourd’hui, des centaines de milliers de travailleurs et travailleuses manquent dans de nombreux secteurs dont ceux des soins, de l’artisanat et de l’informatique. L’Institut de recherche sur le marché du travail et les métiers (IAB) estime que l’Allemagne a besoin d’environ 400 000 immigrants par an, qui restent durablement pour stabiliser son marché du travail.

Ici, le gouvernement fédéral mise sur de nouveaux partenariats avec des pays tiers, des procédures simplifiées et une meilleure imbrication de la langue, de la formation et du travail. L’Allemagne reste donc un pays d’immigration, mais avec des règles claires.