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L’ouvreuse de portes

Gülsah Wilke a une mission bien précise : rendre la scène tech allemande plus diverse. Lisez ici comment elle veut y parvenir avec l’association 2hearts.

Christina IglhautChristina Iglhaut, 13.09.2023
La mentore Gülsah Wilke avec sa mentorée Farisa Magazieva
La mentore Gülsah Wilke avec sa mentorée Farisa Magazieva © art/beats/deutschland.de

« Lorsque l’on a grandi avec deux cœurs, avec deux cultures, que l’on a connu dès l’enfance différentes perspectives, que l’on a toujours été différent des autres, alors on devient résilient. On développe de la persévérance et de la ténacité. Des choses qui font une bonne créatrice ou un bon créateur d’entreprise. » Les grands-parents de Gülsah Wilke sont arrivés de Turquie en Allemagne dans les années soixante. La petite-fille s’est fixé pour objectif de rendre la scène tech allemande plus diverse et a ainsi créé, en 2020, l’association à but non lucratif 2hearts. Sa mission : soutenir et mettre en réseau les étudiants, les personnes dans leur premier emploi ainsi que les créatrices et créateurs d’entreprise issus de l’immigration. Wilke a déjà travaillé comme conseillère chez McKinsey, a occupé différents postes dans le groupe médiatique allemand Axel Springer ; elle a également été créatrice d’entreprise ainsi que, jusqu’à il y a peu, membre de l’équipe de direction de la start-up Ada Health.

Un vaste réseau et du mentorat comme principales aides au démarrage

« Nous apportons un grand potentiel, nous avons des idées et un esprit fondateur. Mais même si vous avez fait d’excellentes études, si vous avez un nom à consonance étrangère ou une apparence différente, les portes ne s’ouvrent pas automatiquement », explique Wilke. Par ailleurs, bon nombre de jeunes issus de l’immigration n’ont souvent pas un grand réseau. « Mes plus grands modèles ont toujours été mes parents. Ma mère, en particulier, a posé des jalons très importants dans ma vie. Elle a organisé pour moi le cours d’essai au lycée et m’a encouragé à sauter une classe », raconte Wilke en contemplant la porte de Brandebourg par la fenêtre de son bureau. Ce support familial est très important, mais tout de même, certains privilèges accordés aux jeunes de son âge lui ont manqué. « Les personnes issues de l’immigration n’ont souvent pas le luxe de bénéficier d’une aide de leur famille ou de leur cercle de connaissances qui peut subventionner ou financer entièrement leur projet. Le soi-disant ‘Angel Money‘ (argent des anges) n’existe souvent pas », explique Wilke. De ce fait, les risques et les obstacles sont plus élevés. Cet apport financier peut faire la différence entre le succès et l’échec. « C’est pourquoi le pilier de 2hearts est notre programme de mentorat, un vaste réseau de personnes qui ont vécu des expériences similaires et qui ont été socialisées de la même manière. » Ces personnes donnent des conseils à leurs mentorés, les mettent en contact avec des investisseurs et les accompagnent dans leur parcours professionnel.

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Sophie Chung, cofondatrice de 2hearts, raconte : « Nous nous sommes longtemps demandés s’il était judicieux de faire correspondre mentor et mentoré en fonction de la nationalité ou du bagage culturel. » Chung est médecin et a fondé la start-up Qunomedical. « En fait, nous voulons mettre en contact des personnes qui ne se seraient, autrement, jamais rencontrées. Mais nous avons remarqué que les expériences partagées, des styles d’éducation et cultures similaires génèrent directement une très grande base de confiance. » C’est également le cas de sa mentorée, poursuit-elle : « Les parents de Jing-Jing sont chinois. Elle n’a pas besoin de m’expliquer ce que c’est que de grandir dans un foyer asiatique en Allemagne. Je le sais, je la comprends. Je peux ainsi lui donner des conseils de première main. »

Mais les personnes qui ont grandi en Allemagne et qui ne sont pas issues de l’immigration constituent également, selon Wilke, des soutiens très précieux pour 2hearts. « Ils ne comprennent pas nécessairement toutes nos expériences, mais ils sont souvent dans des espaces où nous aimerions entrer. Ils peuvent ouvrir des portes. Et c’est ce qui s’était passé pour moi à l’époque. Et j’en suis toujours très reconnaissante. »

Selon Wilke, l’Allemagne, et notamment Berlin, ont beaucoup à offrir aux créatrices et créateurs d’entreprise. La capitale allemande abriterait une grande scène start-up et tech. « Berlin est internationale et ouverte, on s’y retrouve facilement avec l’anglais. On y trouve de nombreuses possibilités de réseautage, des programmes d’accélération et une proximité avec la politique. » Il existe de nombreux exemples connus de start-up allemandes à succès qui ont été fondées par des personnes issues de l’immigration. La plus connue au monde est BioNTech, créée par Uğur Şahin et Özlem Türeci, et qui a développé le premier vaccin Covid-19 autorisé. Selon le Deutsches Startup Monitor 2020, une personne sur cinq ayant créé une entreprise en Allemagne est, entre-temps, issue de l’immigration.

Je pense que c’est grâce à mes antécédents que je réussis, et non pas malgré mes antécédents.
Farisa Magazieva, mentorée chez 2hearts

C’est pour ces personnes que Wilke entend aujourd’hui ouvrir des portes, raison pour laquelle elle a été récompensée en 2023 par l’Impact Entrepreneur of the Year Award. Sa mentorée, Farisa Magazieva, originaire du Tchétchénie, est fière de sa mentore. Contrairement à beaucoup de ses camarades d’études, elle a dû elle-même financer sa vie et ses études. Elle n’avait pas le temps de faire des stages non rémunérés. Mais Wilke était à ses côtés, lui donnait des tuyaux en matière de financement et de carrière. Aujourd’hui, Magazieva travaille brillamment en tant qu’associée dans une société de capital-risque. Elle dit : « Je pense que c’est grâce à mes antécédents que je réussis, et non pas malgré mes antécédents. »